2006/03/31

Sans bon sang

Fille Aînée a toujours eu un peu de difficultés avec la notion d'image. Tout le monde a déjà fait semblant de voler le nez d'un enfant, provoquant instantanément des cris de protestation mêlés de plaisir à jouer. Sauf chez Petite Chérie. Les quelques fois où je me suis aventurée à lui voler le nez, elle m'a regardé d'un air accusateur en disant:

- Tu veux que je saigne et que je meure?

Hier, elle a sorti son livre de blagues pour enfants:

Elle: Quel est le comble de la patience?
Moi: Je ne sais pas. (Toujours répondre ça, même quand vous avez entendu la blague dix mille fois.)
Elle: Traire une puce avec des gants de boxe.
Moi: Ha ha ha!
Elle: ...
Moi: Comprends-tu pourquoi c'est une blague?
Elle: ...
Moi: Tu vois des gants de boxe? Ce serait déjà difficile de traire une vache avec, alors tu imagines une puce? Il faudrait vraiment être très, très patient pour traire une puce avec des gants de boxe. En plus, la puce, elle ne produit même pas de lait!
Elle: Ouais, alors tu sais quoi? En plus on trairait du sang!
Moi: ...

Bon, ça ne serait pas Massacre à la tronçonneuse, mais ce genre de réflexion ne donne quand même pas le goût d'essayer.

2006/03/30

Pastus horribilis

Je suis de retour de Québec, où j'ai été donner une séance de cours à des étudiants de l'Université Laval. J'ai commencé à tricoter une tuque à Fille Aînée dans l'autobus à l'aller, ai harangué les étudiants pendant trois heures sur les vertus du féminisme en philosophie politique, puis, au retour, j'ai repris et terminé la tuque. De l'avis du prof régulier, je fais partie de la nouvelle génération de féministes. À mon avis, j'ai des problèmes de double personnalité.

Enfin, tout ça pour dire qu'en partant de la maison, j'ai gentiment laissé le tube de dentifrice à la menthe à mon mari, pour qui l'apparence et le goût de la pâte avec laquelle il frictionne ses perles blanches importe énormément. (Et dire que j'allais à Québec parler de féminisme. J'aurais dû prendre notre pâte à dents, juste pour marquer le coup.) J'ai plutôt amené pour mon usage personnel un tube qui traînait depuis belle lurette dans l'armoire de la salle de bain. Un tube de dentifrice pour enfants.

En deux mots: Pou. Ache. En plusieurs: Je ne comprends pas comment les fabriquants de dentifrice qui produisent un magma aussi infect ne passent pas leur temps devant les tribunaux. Ça goûte le punch aux fruits. Qui serait assez déviant pour se brosser les dents avec du punch aux fruits?

Mais oui, évidemment: les enfants.

Rendons-nous à l'évidence, nos petits chérubins ont, la plupart du temps, un goût infect, autant pour ce qu'ils aiment se mettre sur le dos (l'inexplicable attrait du rose nanane et de la tulle auprès des petites filles) que pour ce avec quoi ils préfèrent s'empiffrer (bonbons au goût horriblement chimique, chocolat à la texture de vieille cire, etc.).

J'imagine qu'on fait des focus groups pour déterminer quelle saveur auront les nouveaux dentifrices pour enfants. À mon humble avis, les jeunes participants devraient auparavant être triés sur le volet par le biais d'une entrevue habilement menée:

La Madame de Crest: Qu'est-ce que tu préfères manger, mon petit?
Junior: Des z'oeufs Cadbury, du poulet du Colonel et des zuzubes.
La Madame de Crest: Tu n'oublies pas les pogos tièdes?
Junior: Oui!!! Les pogos!!! Fwoids! Avec de l'oranzade!
La Madame de Crest: Excellent. (Se tournant vers les parents:) Désolé Monsieur, Madame, mais votre enfant n'est pas apte à participer à notre focus group. Notre habile questionnaire a déterminé qu'il a un goût infect.
Junior: Ouinnnnn!
Les parents: Allons chéri, c'est pas grave... Viens, on va aller se consoler avec un bon Big Mac.

Évidemment, je rêve en couleur. C'est l'enfant moyen qui dicte ce qu'il y a sur le marché enfantin, et l'enfant moyen aime les oeufs Cadbury et les jujubes. D'où le fait que sa pâte à dents sera éternellement insupportable aux adultes.

Remarquez, l'inverse est aussi vrai. Fille Aînée en tout cas déteste notre dentifrice mentholé. Et ce n'est pas surprenant: comment des créatures qui ingurgitent des mets aussi détestables que les huîtres et le foie de veau, et qui boivent des mixtures putrides comme le café et le vin rouge, pourraient-ils utiliser un dentifrice qui plaise à ces petits êtres délicats que sont les enfants?

Le clash des générations est bien réel. Mais attention les enfants, un jour, vous deviendrez grands...

Courage, ô parents: We will prevail.

2006/03/28

Dors, dors, ma petite &*$%#@

Bébé est fatiguée. Crevée. Elle s'est levée à 5 heures du mat', a fait une sieste embryonnaire à 8 heures (sommeil très bref, elle avait une couche à remplir), et il est maintenant 10 heures. Elle n'en peut plus, et ça paraît.

Je la prends dans mes bras, m'installe dans la pénombre de sa chambre, commence à la bercer. Elle qui tombait de fatigue il y a trente secondes me fixe maintenant de ses yeux grands comme des soucoupes. D'un air narquois.

Pendant que j'entonne une berceuse, nos regards transmettent une toute autre chanson:

C'est la poulette grise
(Moi: Tu es fatiguée, chérie. Dors donc.)
Qui pond dans l'église
(Elle: Je suis prête à concéder une certaine fatigue.)
Elle va pondre un beau petit coco
(Moi: Mais pas à dormir?)
Pour Bébé qui va faire dodiche
(Elle: Qu'esse t'en penses?)
Elle va pondre un beau petit coco
(Moi: Sois raisonnable. Tu vas tellement être de meilleure humeur après une bonne sieste!)
Pour Bébé qui va faire dodo
(Elle: Qu'est-ce qui te fait croire que je veux être de meilleure humeur?)
Dodiche dodo
(Moi: ... Bon, écoute, peut-être que tu ne veux pas dormir, mais moi, j'ai besoin que tu dormes.)
Dodiche dodo
(Elle: Heille, t'as vu l'affiche sur le mur? Vraiment belle. Qui l'a mise là?)
C'est la poulette noire
(Moi: Tu m'entends? J'AI VRAIMENT BESOIN QUE TU DORMES!!! Vraiment. Besoin. Que tu dormes.)
Qui pond dans l'armoire
(Elle: Bon, d'accord, je vais dormir. Mais c'est parce que tu es vraiment trop pathétique.)
Elle va pondre un beau petit coco
(Moi: ...)
Pour Bébé qui va faire dodiche
(Elle: Zzzzzz...)
Elle va pondre un beau petit coco
(Moi: Aaaaaaaaaaaaaallll right! Victoire! Je t'ai eue! Gna gna gna gna gna! Allez, au lit, poulette! Ta mère est peut-être pathétique mais elle a quand même gagné! Wouhouuuuu!)
Pour Bébé qui fai-euh dodo
Dodiche dodo

Je me lève doucement, savourant la respiration profonde de Petite Chérie Bis. Un 10 minutes de lecture sérieuse, et ensuite, Lawrence Block, je suis à toi! (En plus je suis sur le point de deviner qui est l'assassin.)

Délicatement, je dépose Bébé dans son lit. Qui se met à me fixer de ses yeux grands comme des soucoupes. D'un air narquois. Tu pensais peut-être m'avoir bernée, mais j'ai gagné.

Tu m'entends? J'AI gagné.

***

Je crois que je vais réviser cette politique d'endormir Bébé dans la chaise berçante afin de profiter de la douceur de ces premières années qui passent si vite. Je ne crois pas que je pourrai supporter ce genre de mépris encore longtemps.

2006/03/27

Têtes chercheuses

J'ignore combien il en coûte pour dresser des chiens renifleurs à détecter la drogue dans les bagages des aéroports, mais il existe une solution beaucoup moins coûteuse: mettre plein de bébés au milieu d'une pièce, disposer les bagages autour, et voilà! Le tour est joué. Les petits poupons se dirigeront tout naturellement vers les valises dont le contenu est le plus dangereux. Qu'ils sachent se traîner à quatre pattes ou non n'a aucune importance. Bébé peut se retourner? Si oui, il a acquis la capacité stupéfiante d'aller pratiquement où il veut -- ou plutôt, de rouler systématiquement vers l'endroit où il devrait le moins aller.

Tentez l'expérience sous une supervision serrée: installez-vous dans une pièce où se trouve un escalier qui descend. Posez bébé sur une aire de jeu, entouré de jouets colorés, et jalonnez le chemin vers l'escalier d'obstacles divers et massifs. Pensez balayeuse, panier à linge, divan trois places, etc. Bébé effleurera distraitement quelques jouets mais vous l'observerez bientôt les repoussant d'une moue dédaigneuse. Désormais, son instinct est aux commandes. De tâtonnements en roulements maladroits, se déplaçant de préférence à reculons pour brouiller les pistes, bébé se dirigera inexorablement vers l'escalier. Exceptionnellement, il se peut qu'il ne l'atteigne pas; mais cela se produira uniquement s'il essaie, en passant près de la balayeuse, de la démonter pour s'empiffrer du contenu du sac à poussière. (Il réussira, sans l'ombre d'un doute.)

Cette loi de la nature me fait remettre en question la pertinence de concevoir pour les bébés de jolis jouets, doux et colorés. Cet avant-midi encore, j'agitais devant Petite Chérie Bis une mignonne petite coccinelle rouge vif, à la tête jaune soleil et aux pattes vert tendre. Mais bébé n'avait aucun regard pour elle et se contentait de me fixer d'un air blasé, regrettant, j'en suis certaine, de ne pas pouvoir mettre à nouveau la menotte sur l'alimentation de mon ordinateur, qu'elle avait tenté de gruger quelques minutes auparavant. "Tu crois vraiment que je vais préfèrer ta coccinelle bigarrée et conçue spécialement pour moi à un fil noir, drabe au possible peut-être, mais potentiellement léthal? Think again." Conceptuellement, un épais fil noir ou gris relié à un simulacre de fiche électrique (important pour l'impression de risque accru) ne serait probablement pas vendeur auprès des parents, mais je suis convaincue que les 0-12 mois en raffoleraient. Ça, ou une imitation d'X-acto.

J'installe parfois Petite Chérie Bis dans le salon, où se trouve l'escalier qui mène au sous-sol. Elle n'a encore jamais tenté de l'atteindre, probablement parce que la lampe sur pied et diverses pelotes de laines avec aiguilles à tricoter assorties (toutes hors de portée, mais qu'est-ce qu'elle en sait?) projettent un coefficient de danger suffisant pour qu'elle n'ait pas encore envie de défier la loi de la gravité. Heureusement, Maman veille au grain...

La mère indigne et quelques amuse-gueules

De retour une quizaine de minutes plus tard, bébé propre et endormi, il me fait plaisir de vous présenter la mère indigne et un aperçu de ses préoccupations.

Moi : Éternelle étudiante de 34 ans, ayant à son C.V. une vie de couple âgée de 10 ans, deux jeunes enfants, plusieurs cheveux gris généralement tolérés quoique soigneusement camouflés quand je n'en peux plus, pas encore de rides (disons que je n'ai pas vraiment regardé attentivement), quelques vergetures et une poitrine visible seulement au microscope depuis que j'ai cessé l'allaitement de la petite dernière. Cette dernière caractéristique contribue probablement à faire aussi de moi une intellectuelle hors pair... Enfin, c'est ce que je me dis. Atteindrais-je un jour la perfection dans l'art difficile de la maternité? Probablement pas.

Mon blogue : Non, il ne s'agit pas d'un endroit où une méchante marâtre vraiment pas gentille vous racontera des anecdotes propres à alerter la D.P.J. La mère indigne dont il est question ici est une maman qui essaie de faire son gros possible dans un monde où les guides parentaux font office de bibles pour des parents qui veulent être parfaits. Or, soit on respecte à la lettre les édits de ces manuels et on se voue à un burn-out à brève échéance, soit on accepte d'en dévier et on se condamne à la culture du secret envers le pédiatre ainsi qu'à un sentiment de culpabilité débilitant.

La mère indigne (dans ce cas précis, moi), ayant accouché d'un second enfant (appelons-la Petite Chérie Bis) il y a 7 mois et d'un premier (logiquement, Petite Chérie) il y a bientôt 7 ans, commence à accepter le fait qu'elle puisse développer sa propre expertise. Elle se sent quand même coupable (ce genre de culpabilité résultant probablement d’un gène activé avec le premier accouchement) mais elle essaie d'en revenir. Ce blogue est une invitation à partager ma quête du pas si pire et les paniques et fous rire qui en jalonnent le chemin.

Le comportement de la mère indigne : Amuse-gueules

À de rares exceptions près (Bourvil et Le chat musicien, par exemple), la mère indigne repousse la culture enfantine. Elle n'est pas intéressée au Bébé Mozart (avez-vous dit plate?) et préfère donner le biberon devant des reprises du beaucoup plus rigolo Temps d'une paix. Elle exècre Caillou (non mais, quel braillard!) et tente d'éviter, en envoyant Papa au cinéma à sa place, le film d'Annie Brocoli (on le sait qu'il faut faire attention à la planète) et celui du Manège enchanté (elle préfère sans vergogne son polar à Pollux). Par contre, elle partage joyeusement avec ses enfants sa passion pour Adamo, Claude François et autres Olivia Newton-John, perturbant ainsi à jamais leurs goût musicaux et les condamnant à une marge honteuse jusqu'à ce qu'une révolte adolescente la force à prendre son trou. Elle daigne cependant écouter Pin-Pon, Cornemuse et Macaroni Tout-garni parce que Pin-Pin, le monsieur tigre et Crocus sont quand même cutes.

La mère indigne ne veut pas croire les livres qui lui affirment qu'à l'âge de 6 mois, un enfant peut s'endormir seul dans son lit. Elle est prête à bercer bébé pour qu'il s'endorme jusqu'à ce qu'il ait, oh, environ deux ans? Il y a le fait que ce petit paquet tout chaud et plein d'amour grandira bien assez vite et qu'en attendant, on peut bien le câliner un peu. Mais un simple calcul utilitariste justifie aussi cette décision: entre 10 minutes de chaise berçante versus une heure de cris aigus et de pleurs déchirants, le choix est facile à faire. Bien sûr, tout le monde vous dira qu'il suffit de tenir tête à votre petit ange trois ou quatre fois pour que ce dernier range ses hurlements et s'endorme docilement. Mais la mère indigne, épuisée car ne croit pas non plus au fait de laisser bébé pleurer la nuit sans le consoler ou le nourrir, se donne la permission d'adopter des politiques à courte vue afin de retourner au plus vite à son polar.

La mère indigne choisit ses batailles. Une gardienne motivée décide de prendre en charge l'apprentissage de la propreté de votre enfant? Excellent. Pour votre part, vous vous en lavez les mains et attendez les résultats avec une curiosité détendue, au lieu de surveiller anxieusement les moindres signes annonciateurs de pipi et de courir à la salle de bain avec Junior 5 fois l'heure pour finir par tenter d'éponger une flaque sur votre nouveau divan. Vous choisissez plutôt d'enseigner -- le plus tard possible -- à votre petit les rudiments des boucles de lacets, mais uniquement s'il y a une pénurie de chaussures avec des attaches en velcro au cours des 10 prochaines années. Et si jamais on ne lui montre pas comment faire à l'école. Par contre, il vous fait plaisir de l'initier à certaines tâches parfaitement inutiles, comme le tricot.

La mère indigne a également une attitude particulière envers la nourriture, les fêtes d'enfants, la discipline, les enfants des autres, etc. Ses idées sont aptes à changer selon son humeur ou le temps qu'il fait dehors. En fait, vous découvrirez que la seule chose qui importe pour la mère indigne qui vous écrit, c'est son amour inconditionnel pour ses enfants, son admiration sans borne envers ces petits êtres qui doivent apprendre à se débrouiller dans un monde de fou, son respect de leur caractère unique et sa volonté d'être là pour mettre en valeur leurs forces et atténuer les impacts de leurs faiblesses.

Enfin, la plupart du temps.

Commencer du bon pied

Profitant de la sieste de bébé (aaaaahhhh, la sieste de bébé), je m'apprêtais à vous pondre un délicieux premier billet caractérisé par mon esprit vif et mon humour décapant, mais il s'avère que je dois finalement changer un caca décapant et rendormir un bébé un peu trop vif.

De retour bientôt pour le début de mes (més)aventures.

C'est la vie, et ça ne fait que commencer.

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