2006/04/29

La fille de sa mère

Fille Aînée a décidé qu'elle voulait se faire un blogue. Voici le résultat.

Ça parle de cuisses de poulet et, bien sûr, de courir après les garçons...

Note: Je vois ça comme un bon exercice d'écriture pour elle, mais comme elle est encore bien jeune, je ne permets pas les commentaires.

La honte

Être parent, cela signifie être parfois aux prises avec la honte. Pas la honte de nos enfants, ils sont encore trop petits, mais la honte de soi-même, qui, dans certaines circonstances, s'illustre magnifiquement par l'expression "filer cheap".

Après Croc et "La fois où j'ai eu l'air le plus fou", voici donc Mère indigne dans "La fois où j'ai filé le plus cheap (cette semaine)":

Bébé, Fille Aînée et moi sommes en voiture. Dans le gros trafic. J'ai particulièrement hâte d'arriver à la maison, parce que Bébé a décidé qu'au lieu de dormir, elle préférait jouer à l'enfant martyr et hurler à plein poumons aussi longtemps qu'elle serait sanglée dans son siège.

Fille Aînée, quant à elle, remue. Sans arrêt. J'essaie de me concentrer sur la route malgré les cris de l'une, et font constamment irruption dans mon champ de vision, à la hauteur du frein à main, une jambe, un bras et les couettes de cheveux de l'autre.

Les minutes sont longues, très longues.

Moi: Chérie, reste assise comme il faut, s'il-te-plaît.
Fille Aînée: As-tu un crayon?
Moi: Chérie, y'a du trafic, je dois regarder la route, je ne peux pas chercher de crayon.

(Pendant que je proteste, ma main droite fouille entre les deux sièges avant et agrippe un crayon.)

Moi: Bon, tu as de la chance, j'en ai un. Tiens.
Fille Aînée: Merci.

Bon. Concentrons-nous sur la rou...

Fille Aînée: As-tu un papier?
Moi: (Gros et long soupir. N'oublions pas que, pendant tout ce temps, Bébé hurle, hurle encore et hurle toujours plus fort.) Chérie, je conduis. Y'a du trafic. Ce n'est pas le moment pour moi de chercher un papier.

(Ma main droite, qui a décidé aujourd'hui d'ignorer résolument ce que fait la gauche, c'est-à-dire conduire comme il se doit, re-fouille entre les deux sièges et ressort avec une vieille passe de stationnement verte.)

Moi: Bon, tu as de la chance, j'en ai un. Tiens.
Fille Aînée: Merci.

Bon. Concentrons-nous sur la rou... (Une masse chevelue se met à frétiller à ma droite.)

Moi: Chérie, ARRÊTE DE BOUGER!
Fille Aînée: Mais ma ceinture est bloquée!
Moi: C'est parce que tu n'arrêtes pas remuer! Détache-là et remets-la, mais fais ça vite!
Fille Aînée: C'est parce que je veux mettre un papier sur le siège en avant!
Moi: C'est pas le temps de faire ça!

Plein de voitures tout autour, cris stridents à l'intérieur, et Fille Aînée qui s'étire malgré tout entre les deux sièges. Un petit papier vert atterrit sur le sac à couches.

Moi: Bon, là, ÇA VA FAIRE. Je suis vraiment de mauvaise humeur. Tu me déranges, tu ne restes pas assise à ta place et c'est dangereux. Tu vas rester assise comme il faut jusqu'à la maison, sinon ça va aller mal. Compris?
Fille Aînée: Mais...
Moi: Ça suffit. Tu. Restes. ASSISE.

Silence. Même Bébé a arrêté de crier (devrais-je m'inquiéter? Je ne me pose même pas la question). Je sens que Fille Aînée est malheureuse et blessée, mais là, franchement, je m'en fous. Je suis très tatillonne sur la sécurité en voiture et elle a dépassé mes bornes.

Nous parcourons encore deux kilomètres à pas de tortue. Enfin, enfin!, nous prenons la bretelle de sortie de l'autoroute de l'enfer et retrouvons notre banlieue d'amour et notre drive-way chéri.

Une fois hors du cauchemar, le contenu du chaudron a cessé de bouillir et je commence à me sentir vaguement mal de m'être emportée. Je m'apprête à dire un mot gentil à Petite Chérie pour la remettre d'aplomb, mais avant de sortir de la voiture, mes yeux se posent sur le petit papier vert:

Tous ensemble: Ah, merde.

Fille Aînée:
C'est pour ça que je voulais te le mettre en avant...

Évidemment, tous les petits mots gentils ont été prononcés, mais il était trop tard. Malgré toutes les justifications du monde, le sentiment d'avoir été horriblement cheap s'était abattu sur moi comme une tache tenace, et je n'aurais pas assez de Monsieur Net pour la déloger.

Le pire, c'est que ce n'était pas la première fois, et ce ne sera probablement pas la dernière. Experts au "Comment être pas fins et trop fins en même temps", les enfants n'ont pas fini de nous faire filer cheap.

Bah! Au moins, je suis presque certaine que je pourrai prendre ma revanche et les culpabiliser à mort quand je serai très, très vieille...

2006/04/27

Fourmidable et les habiletés de base

Connaissez-vous Fourmidable? C'est une fourmi à l'allure un tantinet cauchemardesque (voir ici, au bas de la page) qui se balade dans les classes primaires du Québec pour aider à inculquer confiance et estime de soi aux petits Québécois. En gros, elle leur ment effrontément en leur affirmant que scander "je fais des efforts, j'essaie, j'essaie encore!" et "je persévère, je ne lâche pas!" leur assurera la réussite dans tous leurs projets. J'espère au moins qu'au secondaire, ils auront un SnakeMan pour leur expliquer le système plogue.

Environ une fois par trois semaines, Fille Aînée ramène à la maison un devoir concernant Fourmidable. La semaine dernière me réservait une belle surprise.

Fille Aînée: Maman, devine c'est quoi le devoir, ce soir?
Moi, paniquée: Mais on est vendredi! Y'a pas de devoirs, d'habitude, le vendredi!

Oui, les parents y tiennent, à leur vendredi de congé. Et il n'y a pas de honte à ça.

Fille Aînée: C'est vrai, sauf quand c'est Fourmidable. Tu sais, Maman, "je fais des efforts, j'essaie, j'essaie encore!"? "Je persévère, je ne lâche pas!"?
Moi: Ouais, je sais. Bon, sors ton cahier alors.
Fille Aînée: Chais pas y'est où.
Moi: Ton sac est dans l'entrée. Vas le chercher.
Fille Aînée: Peux-tu y aller, chuis fatiguéééée...
Moi: "Je fais des efforts, j'essaie, j'essaie encore!"
Fille Aînée: Hum. (Se traîne pour un aller-retour qui semble lui faire très, très mal aux dents vu la façon dont elle gémit. Finalement...) Tiens.
Moi: Bon. "Je décris une situation où j'ai dû faire beaucoup d'efforts et persévérer pour devenir bon/bonne. Je demande à mes parents de la noter dans mon cahier." Peux-tu penser à une activité où tu as dû beaucoup te pratiquer avant de devenir bonne?

(Petite parenthèse pour dire que Père indigne et moi, nous avons eu trop souvent tendance à habituer Fille Aînée à avoir un peu trop tout, tout cuit dans le bec. Alors je me suis mordue la langue et ai retenu les suggestions qui me venaient spontanément à l'esprit: attacher tes lacets, faire du vélo à deux roues...)

Fille Aînée: Je sais!
Moi: Excellent! Vas-y, je note.
Fille Aînée: Courir après les garçons.
Moi: ???

Fille Aînée sourit candidement.

Moi: Heu, que penses-tu d'attacher tes lacets, faire du vélo à deux roues?
Fille Aînée: Non, non. Courir après les garçons, ça va. Il a fallu que je me pratique pour courir très très vite et comprendre leurs façons de m'éviter, hein?
Moi: Bon, on va mettre "attacher mes lacets".

Malgré ma capitulation au politically correct, je ne peux m'empêcher de penser que Fille Aînée a quand même appris à maîtriser une aptitude fondamentale à notre espèce.

2006/04/26

Pourquoi tant de haine?


Mon époux bien-aimé qu'autrement je révère
Pourquoi m'avoir joué un tour aussi pervers?
Qu'a fait votre compagne, la mère de vos enfants
Pour vous pousser à fomenter ce grave plan?

Faisant un ménage matinal incongru
Et rangeant le linge sale à sa place prévue
J'aperçus, ô stupeur!, mon séchoir à cheveux
Gisant à l'abandon dans l'impossible lieu.

L'aurais-je donc cherché, cet outil estimable!
Combattant la panique, trahie et misérable
J'aurais jeté les armes et mon humble coiffure
Déjà pas trop géniale aurait vraiment fait dur.

Ô Mari, Père indigne, quel horrible dessein
Aura donc motivé votre geste malsain?
Voulez-vous en secret m'empêcher de sortir
Ce soir, en me donnant une tête de martyr?

Quoi qu'il en soit ce coup bas du panier à linge
Mérite, comme dirait Criquette, que je me vinge.
J'avouerai au public votre honte secrète:
Quand elles sont propres, c'est moi qui plie vos bobettes.

Tralala!

2006/04/25

Anecdote pour un jour de pluie

(La famille et les amis connaissent déjà cette histoire, mais je suis certaine qu'ils me pardonneront de l'offrir aux non-initiés en cette grise journée.)

Quoi de plus réjouissant que la sexualité?

Et quoi de plus paniquant que les questions sur la sexualité?

Fille Aînée a bientôt 7 ans. Nous avons bien sûr abordé l'aspect "reproduction" avec elle au cours de la dernière année et demie -- mon ventre grossissant lui aurait certainement paru un peu étrange autrement. Mais Fille Aînée n'est pas du genre à poser énormément de questions sur le sujet. J'ai dû plus souvent débattre avec elle de thèmes comme: "Qu'est-ce qui est le plus important, la morale ou la religion?" (la morale, parce que ça vient avant; et ne me parle pas de l'oeuf et de la poule) ou "Pourquoi on crie 'Non à la guerre, oui à la paix' maintenant, i.e. dans la rue à -30?" (parce que si on se met à crier "Oui à la guerre, non à la paix" maintenant, on va se faire lyncher).

Bref, jusqu'à maintenant, la sexualité pour Fille Aînée se résume pas mal à rire quand elle aperçoit le kiki de Papa, et je ne m'en plains pas trop. (Papa non plus; ce n'est pas comme si c'est moi qui riais de son kiki, hein.)

Ce qui ne veut pas dire que je ne me considère pas comme préparée à toute éventualité. Pour résumer la chose, je suis dans une P.A.S. (position d'attente sereine). Or, cette P.A.S. a été mise à l'épreuve il y a quelques mois. La bombe a été larguée pendant que nous soupions tranquillement tous les trois.

Fille Aînée: Maman, est-ce que je peux te poser une question, heu, sexuelle?

O.K., Maman, c'est l'heure. Check P.A.S. -- tout a l'air fonctionnel... GO, GO, GO!

Moi: Ouiiii?

Fille Aînée: Tu es sûre, ça ne te dérange pas? C'est une question un peu sexuelle, hein.

Moi, concentrée à mort: Non, non, pas du tout! Vas-y, ma chérie.

Fille Aînée: Il va où, heu...

(Petit aparté: Vous savez, quand ceux qui ont échappé à la mort disent qu'ils ont vu toute leur vie défiler devant eux? Moi, c'est toute une myriade de possibilités qui se sont bousculées dans mon esprit en déroute.

Il va où, heu... le zizi? Facile! Dans la zézette, voyons! Enfin, en général. Comment ça, "en général"? Heu, écoute, demande à ton père. Et ne va pas faire une recherche sur Google.

Il va où, heu... l'oeuf? Quel oeuf? Celui du papa ou celui de la maman? Comment ça, tu ne sais pas? Renseigne-toi avant de poser des questions, bon sang! En tout cas, si c'est de l'"oeuf" du papa dont tu parles, hé bien il est dans le nid. Quel nid? Mais, le nid qui est dans le trou, qui lui, est dans le noeud. Et le noeud, c'est simple, il est sur la branche. (Wow! Je n'avais jamais remarqué le potentiel didactique de cette chanson.) Et puisque tu veux vraiment tout savoir, hé bien l'arbre, il est dans ses feuilles, voilà! Maridon-dondé et C.Q.F.D.

Fin de l'aparté.)


Moi: Hum. Tu dis, chérie?

Fille Aînée: Il va où, heu, le caca, une fois qu'on a tiré la chasse?

Moi: Hum. Hum... Prrrfffft...hahaha! Excuse-moi, je pensais à autre chose. Bon, il va dans les égoûts, et ensuite dans les eaux usées, comme dans Nemo. Hum hum. Prff--Désolée, chérie, je dois aller aux toilettes.

De retour au calme, quelques instants plus tard, et espérant vraiment qu'elle ne me demandera pas de faire une recherche sur Google:

Moi: Heu, tu sais chérie, le caca, ce n'est pas vraiment sexuel.

Fille Aînée: O.K. Et le kiki? C'est sexuel?

Moi: Oui.

Fille Aînée: Ah, bon.

Comment Père indigne a fait pour garder son sérieux pendant cette conversation, à ce jour, je l'ignore encore. Mais il est vrai qu'à "je te tiens, tu me tiens par la barbichette", c'est moi l'éternelle perdante.

Et ne vous en faites pas, quelques explications supplémentaires ont été offertes... Le strict nécessaire, quoi: la sexualité, c'est ce qui concerne les bébés. Pour le reste, je compte offrir à Fille Aînée la discographie complète de Zacharie Richard. Elle devrait avoir amplement de quoi méditer sur le sexe avec ça.

2006/04/24

Addendum

Dans la série "Bienvenue à Amityville", une conversation entre Fille Aînée et moi hier soir:

Moi: Tu l'aimes vraiment, hein, ta petite soeur?
Fille Aînée: Ouuuuuiiiiii... Je ne voudrais jamais qu'il lui arrive aucun mal!
Moi: Bien sûr que non.
Fille Aînée: Comme... la varicelle, par exemple. Ou bien, tu sais, comme couik!, se faire couper la tête.

Le couik! accompagné du geste de l'index glissant de gauche à droite sur la gorge.

Disons que cette enfant assaisonne agréablement notre petite vie de banlieusards.

2006/04/23

Scary Mommy

Flash-back sur vendredi dernier. Bébé est prête pour sa promenade quotidienne en poussette, elle est même déjà toute ligotée dedans. Par contre, Maman, elle, a encore quelques petits détails à régler. Mais où est donc ce fichu portefeuille? Comme Bébé n'est pas reconnue pour sa patience lors des exercices de poussette stationnaire, Maman l'installe devant la télé.

À l'écran, deux lionceaux gambadent joyeusement dans la steppe (ou la savanne, ou n'importe quel endroit où les lionceaux aiment gambader). Un documentaire animalier! se dit Maman. Rien de tel pour faire patienter mon petit lionceau à moi trois ou quatre minutes.

Juste comme elle met la main sur son portefeuille, Maman entend de plaintifs "Ouiiin, ouiiin!". Et revient dans le salon pour s'apercevoir que son documentaire animalier est en fait une version gore de Georges de la Jungle, dans laquelle Georges se ferait sucer la moitié du cerveau par son "ami" le lion.

"Ouiiin, ouiiin!", fait Bébé.
"Shit!", fait Maman. Et d'entendre une petite voix dans sa tête : Well, congratulations again! Yer doin' a pret-ty good job of messin' up your kid's head, Fuck-O.

***

Ça m'a rappelé un épisode au début de l'année scolaire avec Fille Aînée:

Moi: Petite Chérie, il faut que tu fasses très attention en prenant l'autobus. Tu sais qu'hier une petite fille s'est fait écraser par son bus? Alors il faut être très, très prudente.
Fille Aînée, en sursautant: Une petite fille s'est fait écraser par son autobus???
Moi: Oui, alors il faut faire très, très --
Fille Aînée m'interrompt, une lueur d'intérêt intense dans le regard: T'as pas une photo?

Ouais. De l'excellent travail.

2006/04/21

Le monde et les parents changent

Dit à Fille Aînée qui assénait une méchante volée à sa poupée alors qu'elle avait aux alentours de 8 mois:

- Hooon. Faut faire doux-doux avec les bébés, hein? Doux-doux...

Dit à Bébé qui assène régulièrement des volées à la même pauvre poupée ces temps-ci:

- Ouais, c'est ça! Règle-lui son compte! DÉMOLIS-LÀ!

Cela devrait contribuer à expliquer d'intéressantes variations comportementales entre nos deux filles. Restez à l'écoute pour tous les détails.

Chocolat et autres chinoiseries

Quelques personnes se sont manifestées pour me demander si j'allais bel et bien faire un suivi concernant mon expérience de chocolat équitable.

Ah, ah, ah! Je vous ai bien eus, là, l'espace d'un instant! En fait, personne ne m'a demandé une telle chose! Mais allez, soyez chics, ne me déniez pas le droit de faire semblant d'avoir du feed-back là-dessus. Je soupçonne d'ailleurs qu'il s'agit d'une procédure rhétorique abondamment utilisée même par les gens les plus dignes, alors vous imaginez moi. Et puis vous savez qu'en marketing, la règle veut que pour un ou deux clients qui se plaignent, il y en ait quelques milliers de mécontents. Je me figure que si personne ne s'est plaint concernant mon suivi du thème choco, ça doit logiquement vouloir dire qu'il y a quelques centaines d'individus qui sont suspendus à mes lèvres. Élémentaire, comme dirait Sherlock.

Je disais donc que quelques personnes se sont manifestées dans ma tête pour me demander si j'allais bel et bien faire un suivi concernant mon expérience de chocolat équitable. Du calme, tout le monde! Cessez de vous ronger les sangs et recommencez à dormir la nuit, nom d'un p'tit bonhomme! Le voici, mon commentaire, en forme de déclaration-choc:

Le chocolat équitable, ça ne goûte rien.

Ah, ah, ah! Je vous ai bien eus, là, l'espace d'un instant! En fait, ce que je veux dire, c'est que le chocolat équitable, je n'y ai même pas goûté. Hé non. Pire: Je n'ai pas acheté de chocolat, équitable ou non, à Fille Aînée pour Pâques. Soufflés, hein? Vous découvrez qu'elle ne s'appelle pas indigne pour rien, la mère!

Je trouve pour ma part que j'ai eu le courage de faire preuve d'une digne retenue. En effet, après de savants calculs, je me suis aperçue que le chocolat qu'offriraient Papi et Mamie, plus celui envoyé par la Mamie d'outremer, plus celui offert par frérot parce qu'il n'a pas d'enfants et qu'il doit bien compenser en quelque part, ça équivaudrait à environ deux kilos de chocolat, sept maux de coeur et trois visites chez le dentiste. Alors j'ai décidé de m'abstenir de contribuer au massacre. D'où le boycottage du choco.

Ceci dit, mère un jour, mère toujours. Et dans cette société de consommation à outrance où, tant qu'à ne rien acheter à nos enfants pour Pâques, aussi bien leur donner aussi une claque en pleine face car le dommage psychologique sera le même, être mère signifie quand même sortir le porte-feuille. J'ai donc dûment déboursé quelques dizaines de dollars en cossins vert tendre, roses et mauves de toutes sortes. Le bilan, pour mes deux filles et mes deux nièces:

Deux petits poussins en peluche made in China;
Deux petits lapins en peluche made in China;
Deux crayons avec un p'tit bout en lapin made in China;
Deux kits de décoration de cocos de Pâques made in China;
Tout ça, dans deux mignons sacs-cadeaux made in China.

Disons pour conclure que, dans mon périple vers l'équitable, ça a bien l'air que je n'ai même pas encore fait mes valises.

***

P.S. À Pâques prochain, je vous fais un suivi, c'est promis.

***

P.P.S. Pour être parfaitement honnête, j'ai quand même offert à ma fille un paquet de trois chocolats Ferrero-Rocher. Pour pouvoir piger dedans.

Le problème c'est que quand on subtilise un chocolat sur trois, ça paraît vachement. Je le sais, j'ai tenté l'expérience hier. Alors j'en ai racheté un autre paquet de trois à la pharmacie. Mais pourquoi cette sensation soudaine d'avoir mis le doigt dans un engrenage diabolique?

2006/04/20

Vacances à Cuba (Guantanamo)

Avez-vous déjà entretenu un petit doute quant à la franchise des parents quand ils affirment, à l'unanimité, qu'ils préféreraient mille fois mieux être eux-mêmes malades plutôt que leurs enfants? Eh bien croyez-moi, c'est vrai à cent pour cent. En ce moment, Bébé a un gros rhume, et je ne vous dis pas ce que je donnerais pour être à sa place.

Non mais, sérieusement: nous, les adultes, on sait comment profiter de la maladie. Un gros rhume? Hop! Au lit, sous une couette épaisse. Objectif: somnoler toute la journée en geignant de temps à autre pour montrer que ça va vraiment, vraiment mal. Se laisser bichonner, mais pas envahir. Percevoir dans le lointain quelques chuchotements attentionnés ("Viens, on va laisser Maman tranquille, elle est malade"). Parfois, allumer la petite lampe pour lire 2-3 pages de notre roman policier en cachette. Pour faire un peu d'exercice, se traîner jusqu'à la salle de bain et s'éterniser dans un bon bain brûlant. S'endormir dedans. Et enfin, pouvoir s'adonner en toute légitimité à l'engourdissement bienfaisant que procure la reine des drogues: le Néo-Citran.

Les enfants, eux, ne savent pas comment être malades. Les bébés sont les pires.

Un bébé malade est comme un prisonnier à Guantanamo: il sait qu'il est en prison, mais il pourrait jurer qu'on n'a aucune raison légale de le maintenir là. Mais le pire, évidemment, c'est la torture. C'est d'avoir à affronter, 42 fois par jour, le frottement d'un mouchoir toujours rêche, peu importe le nombre de plis et la quantité de lotion qu'il contient supposément. C'est de se faire envahir la cavité nasale par des giclées de Salinex, puis, de se faire enlever la morve ainsi générée à l'aide d'une pompe qui doit être insérée aux 9/10e dans la narine. C'est, Dieu les aide, de se faire prendre la température à chaque changement de couche au moyen d'une méthode absolument révoltante. Et tout ça, jour et nuit, sans que Bébé comprenne que tout cela sert bel et bien à quelque chose.

"C'est pour ton bien." Que cette expression résonne cyniquement aux oreilles d'un bébé pour qui la vengeance ne peut passer que par le biais d'un régurgit sur un habit de soirée, alors qu'il se meurt de pouvoir nous balancer un coup de karaté dans les parties.

Et on ne peut pas y échapper: c'est nous, les parents, qui devons jouer au bourreau. Et nous devons le faire avec les moyens limités que la Providence et Johnson & Johnson veulent bien nous donner. Ce qui m'amène à ma montée de lait de cette semaine, intitulée "Voulez-vous bien me dire pourquoi, en 2006".

Non mais, voulez-vous bien me dire pourquoi, en 2006, la seule manière qu'on ait trouvé d'adoucir les soins aux enfants malades est de leur mettre du câline d'arôme de raisins dans leurs médicaments? On ne pourrait pas inventer, pour déboucher en douceur le nez de bébé, une doudou qui fleure délicatement le Vicks? Une poudre à éternuer doublée d'un léger gaz hilarant? Une pompe ultra-puissante qui aspirerait les sécrétions (a.k.a. la morve) à distance? Des kleenex vraiment doux?

Et surtout, peut-on s'entendre pour dire que le thermomètre rectal, ça devrait être vendu seulement dans les sex-shops? Pourquoi les thermomètres d'oreille, ça marche pour les jeunes enfants, mais pas pour les bébés? Vous dites? Le bout est trop gros, ça n'entre pas bien dans l'oreille et ça ne donne pas une lecture juste de la température? Heille, ça doit être tout un défi technologique d'en fabriquer un avec un bout plus petit!

(En plus, à la maison, nous avons la pire race de thermomètre rectal qui soit. Électronique, il est ultra-sensible, mais pas à la température. Sitôt que Bébé remue le popotin, le thermomètre se met à biper comme un fou et refuse d'indiquer le moindre degré Celsius. Franchement, celle-là, je ne la comprends pas. Quand on va dans une discothèque, c'est clair que c'est bruyant, mais est-ce que ça va nous empêcher de dire s'il y fait chaud ou non???)

Bon, voilà, je m'énerve. Si ça continue, je vais finir par tomber malade.

Ouiiii, tomber malade...

Nous serons bien contents...


... dans une dizaine d'années, de nous rappeler que Bébé s'est déjà amusée en jouant au docteur -- toute seule.

2006/04/18

Cryptomanie

Je ne sais pas si vous aviez remarqué, mais les enfants sont naturellement des experts dans le brouillage de pistes. À la question traditionnelle ("Qu'est-ce que tu as fait à l'école?"), 99% des parents se voient chaque jour confrontés à une tout aussi traditionnelle réponse ("Rien!"). Quand au 1% qui reste, il a droit à un bavard "Pas grand-chose".

J'imagine que les enfants, sachant que leurs parents finiront de toute façon par tout savoir, s'évertuent à leur rendre la tâche la plus compliquée possible.

Me considérant passablement finfinaude, je croyais avoir trouvé une voie de contournement pour découvrir ce que Fille Aînée fait à l'école. Au lieu de la question classique, j'y allais d'un: "Quels ont été ton meilleur et ton moins bon moments aujourd'hui à l'école?" Pas moyen d'y couper, hein? Sûrement, Fille Aînée devrait me donner au moins quelques détails sur sa journée?

Au début, cela n'a pas trop mal fonctionné. Mais à maligne, maligne et demie. Se voyant acculée au pied du mur, Fille Aînée a réussi à élever sa technique de cryptage au niveau de l'art. En effet, je me suis aperçue un jour que, pour la 46e journée consécutive, elle répondait systématiquement que son meilleur moment avait été de croiser la fille plus âgée de nos amis dans le couloir de l'école, ou bien de rentrer en bus avec sa meilleure copine (le "ou bien" expliquant que je n'aie allumé qu'au bout d'un mois et demi -- ding ding).

Depuis, j'ai pour ainsi dire jeté la serviette. Chaque jour, je pose toujours la même question, mais Fille Aînée ne se fend même plus d'une vraie réponse. "Je n'ai pas eu de meilleur ou de moins bon moment, toute la journée a été bonne." Pas mal équivalent au "Rien!" du début, vous ne trouvez pas? Mais qu'à cela ne tienne! Morceau par morceau, les parents trouvent quand même toujours le moyen de faire parler leurs bambins...

***

Tout ça pour vous raconter qu'hier, j'ai dû me mesurer à une véritable conspiration de cryptomanes. Voisine #1 (Audrey) et Voisine #2 (Eugénie) étaient venues jouer à la maison, quand tout à coup Voisine #3 (Véronique) arrive en réclamant Audrey. Je suis à ce moment-là en train de faire manger Bébé, mais cela ne m'empêche pas d'épier la conversation:

Véronique -- Audrey! Viens, on a besoin de toi!
Chuchotements provenant du sous-sol.
Audrey -- J'arrive!
Eugénie -- NON! N'y va paaaas, Audreeeey!

Sachant qu'Eugénie est habituellement du type à cracher dans l'oeil du diable, j'ai immédiatement la puce à l'oreille.

Audrey, Véronique et Fille Aînée -- Ne t'en fais paaaas Eugénie, y'a pas de danger.
Eugénie -- NOOOOON!
Moi -- Tout va bien, les filles?
Les 4 filles en choeur -- Ouiiiiii!

Évidemment.

Audrey part avec Véronique. Je crois vaguement l'entendre demander à sa soeur où se trouve notre balai (???). Ma décision est prise: je donne des fruits à Bébé; les voisins s'arrangeront avec leur progéniture. Mais je n'abandonne pas l'idée de découvrir le fin mot de l'histoire.

Quelques minutes plus tard, Audrey est de retour:

Moi, mine de rien -- Ça va, Audrey?
Audrey, mine de rien -- Oui!
Chuchotements dans le sous-sol.

Bah, me dis-je. Les voisines peuvent bien se taire, je finirai par tirer les vers du nez à Fille Aînée. Ayant été fille unique pendant 6 ans, elle n'a pas développé aussi bien que d'autres la capacité à déjouer l'Inquisition Maternelle. Enfin, c'est ce que je croyais.

En soirée, alors que je donnais le bain à Bébé, Fille Aînée entre dans la salle de bain pour satisfaire une envie pressante. Ça y est! Mon témoin est captif, je peux le questionner à loisir.

Moi -- Pourquoi Audrey devait-elle aller aider Véronique tout à l'heure?
Fille Aînée -- Ah, c'est à cause du vélo qu'on a volé, elle voulait voir à qui c'était.

J'ai tout à coup un pressentiment terrible.

Moi -- Quand tu dis "on a volé un vélo"...
Fille Aînée, horrifiée -- Pas nous!

Malheur! C'est bien ce que je croyais. Fille Aînée est la seule Québécoise à utiliser le "on" correctement, en excluant la personne qui parle.

Fille Aînée poursuit -- C'est un vélo qui avait été volé et les filles l'ont mis là et puis Audrey a fait semblant qu'elle avait un bras cassé mais moi je ne la croyais pas mais là ils voulaient savoir qui viendrait le prendre.
Moi -- Tout cela est limpide. Mais à qui est ce vélo, en fait? Et pourquoi Audrey avait-elle besoin de notre balai?
Fille Aînée, se tortillant et regardant vers la porte -- Ben, je sais pas, pis de toute façon je venais juste ici faire un p'tit caca.
Moi -- J'avais remarqué.

Et Fille Aînée de se sauver en courant, laissant dans son sillage un parfum... de conjectures.

Épuisée par toutes ces dérobades, je n'ai pas cherché à en savoir plus.

Mais depuis hier, je garde le balai dans un endroit connu de moi seule. Toute personne voulant l'emprunter devra se soumettre à un interrogatoire sans pitié.

Dieu aidant, le parent vaincra!

2006/04/16

Vive les parents... libres?

Hier, grande expédition pour mener Petite Chérie et Bébé chez les grands-parents pour la soirée et la nuit. "Au revoir les enfants", disent Père et Mère indignes. "Vous nous manquerez." Et ils partent, prodiguant force câlins et moults bruits de bouche rassurants.

Pendant le trajet du retour règne dans la voiture un calme surréaliste.

Mère indigne: Nous sommes libres. LIIIIIIIIIBRES!!!!!
Père indigne: Libres de dormir.
Mère indigne: Oui. Et de faire du ménage.
Père indigne: Ah.

Comme quoi la prison, c'est parfois dans la tête.

2006/04/13

Ode à Marie-Josée et Claudette

Chères Claudette et Marie-Josée,

Je l'avoue: je ne les avais même pas achetées moi-même. Sans ma mère qui craignait que je m'affame, seule dans la grand-ville, je n'en aurais jamais vu la couleur. Et sans vouloir vous insulter, il y a bien longtemps que je ne les ai pas utilisées, vos fiches-recettes. Pour être parfaitement franche, bien peu de choses différenciaient votre osso-bucco de votre poulet chasseur. Et puis vos fiches ont vécu, pour ainsi dire, au Crétacé de ma gastronomie. Comme les dinosaures, elle n'ont pas survécu à certaines météorites assassines (Pinard et Di Stasio).

Mais voilà que Bébé commence à se traîner et que, dans sa fougue exploratrice, elle désire braver tous les dangers. Il y a quelques jours, deux petits boîtiers oubliés de part et d'autre des livres de recettes (leur servant, pour tout dire, de serre-livres) ont attiré son attention. Ces boîtes, d'allure modeste et n'arborant pas les couleurs aveuglantes des jouets pour enfants qu'elle dédaigne, attisèrent aussitôt en elle une rageuse envie de possession et de destruction absolues.

Or, miracle! Vos fiches-recettes sont faites d'un carton plastifié qui résiste non seulement à la lame coupante de dents toutes nouvelles mais aussi aux déchirements causés par la bave fraîche des poupons!

Je vous rends donc grâce, Cloclo et MJ. Grâce à vous, Bébé croit braver la mort, mais elle le fait en toute sécurité.

Et qui sait, peut-être un jour, lorsque j'aurai vraiment envie de poulet chasseur, me déciderais-je enfin à essayer votre saumon à la norvégienne?

Avec toute ma respectueuse reconnaissance,

Mère indigne

***

Petite suggestion de Mère indigne en cette veille de Pâques: pourquoi pas du chocolat équitable? S'il est bon, tant mieux: vous vous empiffrerez allégrement en ayant la satisfaction d'avoir posé une bonne action. S'il est dégueu, tant mieux: vos enfants mangeront un peu moins de cochonneries, et ce que vous avez dépensé en chocolat pas mangeable, vous l'épargnerez sur les frais dentaires. (Mais non, si ça se trouve, il est très bon. Je vous fais un topo là-dessus la semaine prochaine. Et puis, entre vous et moi, rien ne peut être pire que le choco de pharmacie anyway.)

***

Le cinq minutes de gloire de Mère indigne: Dimanche matin, lors de votre brunch pascal, ne manquez pas Mal de Blog, sur les ondes de CISM, où un gentil animateur fera la lecture d'un texte de Mère indigne. (Mère indigne rougit délicatement et se ventile le visage d'un geste gracieux de la main.) Mon Doux, voulez-vous bien me dire comment ce charmant garçon a bien pu avoir vent de mon humble site? Vous dites? C'est moi qui lui ai envoyé mon texte? Heu... oui, peut-être, mais que voulez-vous: quand on est une môman à temps plein, on n'a pas souvent l'occasion de faire la put-- Oh! Maman! Tiens, tu lis mon blogue? Comment? C'est moi qui t'ai donné l'adresse?

Décidément, y'a pas que les bébés qui aiment vivre dangeureusement...

2006/04/12

Que celui qui n'a jamais péché...

Dans mon groupe de discussion de mômans habituel, une mère s'inquiétait du fait que son bébé, malgré une soif apparente, ne voulait absolument pas boire son lait. Du jus, oui. De l'eau, amenez-en. Mais le biberon de lait restait désespérément plein, le bébé s'en détournant infailliblement d'un air dégoûté. Drame: où Bébé prendra-t-il les vitamines nécessaires à sa croissance? À cet âge, il ne peut pas faire comme les adultes et trouver tous les nutriments dont il a besoin dans un bon café. Et il est aussi beaucoup trop jeune pour Vie de Velours! Discussions entre le papa et la maman: doit-on l'assoiffer au maximum, pour que Bébé n'ait pas le choix de boire son lait? Doit-on l'amener à l'urgence?

Jusqu'à ce que la mère se rende compte que la tétine du biberon n'avait pas de trou. That's right. Le bébé ne pouvait pas boire de lait, parce que le lait ne coulait pas. Il n'était pas dégoûté, mais frustré à mort! Et la mère de s'auto-flageller et de demander à ce qu'on lui garroche des pierres tellement elle se trouvait épouvantable.

Ce à quoi je réponds: on se calme! Tous les parents ont des anecdotes du genre à raconter -- quand ils osent le faire! Une de mes tantes avait amené son bébé à une réunion de travail. À son retour à la maison, le téléphone sonne: "Tu n'aurais pas oublié quelque chose?" Oups! Bébé était resté dans le local de réunion! Tantine devait donc trouver le voyage du retour calme et reposant...

Moi-même, je me suis sentie particulièrement tata et complètement en marge de l'image du parent respectable quand, un bon vendredi, j'ai attendu l'autobus avec Fille Aînée au coin de la rue pendant, oh, une bonne demi-heure. Ben voyons? Que fait le chauffeur? Est-ce qu'on attend encore cinq minutes ou on va te reconduire à l'école? Jusqu'à ce que le voisin sorte de chez lui: "Attendez-vous l'autobus? C'est parce qu'aujourd'hui, c'est une journée pédagogique."

L'humiliation publique n'a pas assez bonne presse: c'est excellent pour ramener l'ego de la personne qui en est la cible à des proportions acceptables, et ça rend donc le voisin de bonne humeur!

Un autre de mes classiques à oublier: Je jouais au monstre avec Fille Aînée, qui avait alors environ 4 ans. À un certain moment, en prenant une voix caverneuse terrible, je me suis mise à lui raconter que j'avais pris possession du corps de sa mère (déjà, on voit l'intelligence débordante de Mère indigne). Alors que Petite Chérie m'urgeait de redevenir sa mère, j'ai comme qui dirait porté le coup fatal: "Même quand tu crois que c'est ta mère qui te paaaaarle, c'est toujours mouâââ qui es làààààààà." Sur quoi, Fille Aînée s'est mise à sangloter et a couru se réfugier dans les bras de Papa. J'ai reçu les "félicitations" de toute ma famille pour cette histoire... et je m'en veux encore!

Et pour finir, l'anecdote de Père indigne faisant manger Bébé:
P.I.: J'ai essayé de lui donner des poires, comme tu m'avais dit, mais elle n'a pas vraiment aimé ça.
M.I.: Ah non? C'est étrange, c'est un des seuls fruits qu'elle aime bien.
P.I.: J'ai vraiment essayé de couper la poire en très petits morceaux, mais on dirait qu'elle a tout de même eu beaucoup de mal à les avaler.
M.I.: Heu, Chéri. Elle a cinq mois et demi. Quand je dis "tu lui donneras des poires", je parle de la purée de poires qui est dans le bac à glaçons du congélo.
P.I.: ...
M. I.: ...
P.I.: Comment j'pouvais savoir? Non, mais c'est vrai!

Mais peu importe ces petits aléas de la vie parentale: la chose à retenir est qu'on apprend de ses erreurs. Je suis certaine que plus jamais la maman du groupe de discussion ne donnera un biberon sans en vérifier l'ouverture. Quand à moi, je vérifie maintenant scrupuleusement les dates de congé scolaire au début de chaque mois. Vous pouvez aussi parier que Bébé n'aura droit qu'à des personnifications de montres tellement gentils qu'ils en seront totalement insipides.

Et Père indigne? Tiens, je viens de me souvenir que Père indigne avait aussi tenté de donner à Fille Aînée des carottes crues alors qu'elle n'avait que huit mois. Eh bien tant pis pour lui! Il aura eu sa chance. Dorénavant, il sera de corvée de couches. Pour l'éternité.

Heureusement, il n'a jamais eu trop peur des monstres qui prennent parfois possession des Huggies de Bébé...

2006/04/11

Mère indignée

Une des règles à la maison stipule que Fille Aînée ne peut pas regarder Ramdam. Une partie substantielle de l'intrigue de cette émission tourne autour des relations amoureuses des adolescents, et j'estime qu'à six ans et demi, Petite Chérie a amplement d'années devant elle pour se ronger les ongles devant un téléphone qui refuse de sonner. Pas nécessaire d'implanter tout de suite dans son esprit l'idée que les gars, c'est tout dans la vie. Je dis "pas tout de suite" parce qu'inévitablement, ça viendra. Mon but avoué est de repousser le plus longtemps possible les germes de ses angoisses amoureuses à venir et de lui apprendre à les relativiser. Et je juge qu'un contrôle raisonnable de son environnement, notamment télévisuel, est une manière souhaitable d'y arriver.

Je me croyais assez ordinaire dans ce domaine. Or, il semble plutôt que je passerais pour rétrograde dans la majorité des foyers québécois. J'apprends en effet que les émissions préférées des enfants de 2 à 11 ans sont Loft Story et Les Bougon. Remarquez ici la présence dans la même phrase des expressions "enfants de 2 à 11 ans", "Loft Story" et "Les Bougon". Loft Story, dont la motivation principale est de nous montrer le plus souvent possible des fesses et des seins de jeunes filles à peine post-pubères. Les Bougon, où un jeune homme en quête de gloire décide que le chemin le plus court pour y arriver consiste à s'enfiler un furet dans l'anus jusqu'à asphyxie. Asphyxie du furet, malheureusement.

(Je n'écoute pas ces émissions, mais il faudrait être sourd, muet, aveugle et vivre à Bora-Bora dans une insouciance bienheureuse pour ne pas savoir ce qui s'y trame.)

Bien sûr, quand on dit "émissions préférées des enfants", on sous-entend inévitablement "émissions que les parents laissent écouter à leurs enfants". Alors, chers parents, j'imagine que laisser vos enfants écouter Loft Story et Les Bougon, ce n'est qu'un prétexte pour motiver un échange critique sur l'objectivation du corps, sur la valeur de la sexualité, sur l'aide sociale et ses causes profondes, sur les moyens, légitimes ou non, de s'en sortir et sur le rôle de l'État dans nos société productrices d'exclusion?

Non?

Voulez-vous dire que vos chers bambins s'abreuvent à ces fontaines d'anti-culture juste avant de sauter directement (et assez tard merci) au lit?

Parce que j'ai des petites nouvelles pour vous. Vous qui vous marrez au deuxième degré (enfin, on l'espère), vous arrivez à prendre vos distances des disgracieusetés commises au petit écran grâce à votre sens critique. Mais le sens critique n'est pas , je répète, pas, inné.

Ce que vos enfants retirent de Loft Story, c'est une éducation sexuelle non seulement tordue mais cheapette à mort, où l'utilisation adéquate de ses attributs physiques garantit le succès social. Et par "utilisation adéquate de ses attributs physiques", je ne parle pas du plongeon à la tour de 10 mètres. Dans le Globe and Mail, il y a quelques semaines, on racontait que des petites filles brillantes se retiennent en classe d'avoir l'air trop intelligentes; paraît que ça intimide les garçons... Ajoutez l'ingrédient Loft Story, le résultat devrait être assez consternant. Apprendrez-vous à vos enfants à respecter l'autre sexe, à se respecter eux-mêmes et à respecter leur intelligence après avoir ri grassement avec eux devant les tortillements suggestifs et calculateurs de la lofteuse du jour?

Ce que vos enfants retirent des Bougon (qui est d'ailleurs classé 13 ans et plus), c'est: Vive la crosse. Et je ne parle pas du sport national d'été du Canada. Le message (en tout cas celui que les enfants retiendront) des Bougon ne consiste pas seulement à dire que tu n'as pas besoin de travailler pour gagner du fric. La morale est que, si tu travailles pour en gagner, tu es vraiment un loser de première. Profitons du système qui est si méchant et mal fait! Mais après vous être extasiés sur le dernier tour de passe-passe d'un cynique Bougon, apprendrez-vous à vos enfants que les imperfections du système peuvent être combattues par l'engagement social, pas seulement par les combines?

Dire que notre société s'inquiète de l'hypersexualisation des jeunes. Dire que, dans à peine quelques années, vous allez être déçus quand votre enfant chéri ramènera à la maison un gars ou une fille qu'il va mettre sur un piédestal même si il/elle n'a donc pas de classe. Dire que vous allez exiger que votre fille contrôle son décolleté pour aller à l'école, et paniquer en apprenant qu'à 13 ans, elle a pris un bain tourbillon toute nue avec douze autres personnes en fumant un joint. Dire que vous allez demander des comptes à Junior qui va piquer 20$ dans votre porte-feuille. Que vous allez pleurer quand on va le pincer pour vol à l'étalage.

Je ne demande pas qu'on censure la télé; je demande seulement qu'en tant que parents, nous soyons minimalement cohérents dans notre système de valeurs. J'ai dit minimalement? Tant qu'à faire, allons-y donc pour maximalement! Ça me choque de voir des adultes renoncer à une de leurs responsabilités de base, c'est-à-dire déterminer ce qui est adéquat ou non pour leurs enfants selon l'âge qu'ils ont. Et ça m'attriste profondément de penser que des jeunes voient leurs perspectives façonnées dès le plus jeune âge par des modèles qui ne devraient pas en être.

Aimer ses enfants, ça veut aussi dire les guider. Ça demande une présence, des valeurs bien pesées, de la cohérence, et un interventionnisme éclairé. Ce n'est pas toujours facile, et surtout pas toujours drôle comme Loft Story et Les Bougon. Mais ça doit aussi être ça, la vie.

2006/04/09

Comment transmettre des valeurs à nos enfants en 6 étapes faciles

Expérimentatrice: Mère indigne
Sujet de l'expérimentation: Fille Aînée
Mission: Implanter dans le cerveau du sujet les valeurs qui comptent le plus dans la vie, i.e. celles de l'expérimentatrice
Thème: L'honnêteté dans les relations homme-femme (ou homme-homme ou femme-femme, c'est comme vous voulez, mais Fille Aînée possède depuis déjà belle lurette une certaine prédisposition à la conformité dans ce domaine.)

1ère étape: L'ÉCOUTE

- Maman, tu sais pas quoi? Pascal m'a dit qu'il m'aimait.
- Ah oui? Comment ça s'est passé?
- À la première récré, il m'a dit: "Je ne te l'ai jamais dit, mais je te trouve belle." À la deuxième récré, il m'a dit: "Je t'aime."
(Hé ben. Même à six ans, on connaît ses classiques.)
- Et toi, tu l'aimes?
- Ben, c'est un très très bon ami, mais je ne l'aime pas vraiment.
(Et même à six ans, on connaîtra déjà les affres de l'éternel ami. Du moins c'est ce que l'expérimentatrice croyait, car...)
- Il devait être bien déçu quand tu lui as dit ça.
- Ben... je ne voulais pas lui faire de peine alors je lui ai dit que moi aussi je l'aimais.

2e étape: LA DÉTECTION DU PROBLÈME

- Je vois.

3e étape: L'ENDOCTRINEMENT

- Tu sais, c'est peut-être préférable de dire la vérité à Pascal, qu'il n'est qu'un bon ami pour toi.
- Mais ça lui ferait de la peine!
- Oui, mais c'est souvent mieux de dire la vérité, même si ça fait de la peine aux gens. Pascal préférerait certainement que tu lui dises la vérité plutôt que de faire semblant de l'aimer.
- Mais ça lui ferait de la peine!
- Oui, mais l'amour, c'est très important dans la vie des gens. On veut se faire aimer pour vrai, pas pour faire semblant. C'est vraiment un sujet où c'est préférable de dire la vérité.
- Mais ça lui ferait de la peine!
- Oui, mais c'est mieux que de mentir au sujet de l'amour! Imagine si c'était toi qui aimais Pascal, et que lui ne t'aimait pas. Préférerais-tu qu'il te dise la vérité ou bien un mensonge?
- Ben, j'aimerais mieux qu'il me dise qu'il m'aime.

4e étape: LE CONSTAT D'ÉCHEC

- Je vois.

5e étape: LA DERNIÈRE TENTATIVE PATHÉTIQUE

- Bon, écoute, quand tu seras ado et adulte tu comprendras que c'est mieux de dire la vérité au sujet de nos sentiments.
(Le sujet joue avec ses lacets et répond distraitement:) - Huhumm.

6e étape: LA DÉMISSION

- Écoute, pourquoi on ne vas pas jouer dehors? Il fait tellement beau!
- Wouéééé!
- Pis viens donc me faire un gros câlin avant!
- Wouéééé!

***

Ce soir-là, alors que je bordais Fille Aînée, elle m'a dit: "Tu vas rire, Maman, mais est-ce que tu veux te marier avec moi? C'est parce que j'aimerais rester avec toi toute la vie."

L'expérimentatrice en moi a alors compris que, de toutes les étapes et malgré l'échec apparent, c'est probablement le câlin qui est le plus important.

2006/04/08

Dr. Baby and Mr. Hyde

Les bébés, c'est super mignon. C'est doux, ça sent bon (la plupart du temps), ça a des petites cuisses potelées, et suis-je vraiment obligée de parler de leurs p'tits orteils dodus et de leurs joues toutes roses? (Les orteils peuvent également être roses et les joues dodues, c'est tout aussi attendrissant.) Sans rire, même leur bave est super mimi.

Mais quand ils se mettent à avoir des problèmes, ça peut vite dégénérer. Bref aperçu de quelques sujets de discussion sur un site Web de mômans que je fréquente parfois:

***

Dans la catégorie: "Ça arrive dans les meilleures familles":
Screaming, Screaming, & More Screaming!
Hysterical Baby: Why All Of A Sudden??
Earth Shattering Burps!
Anyone have a nipple biter?

Dans la catégorie "Mon Doux cossé ça, et où est le numéro d'Info-Santé quand on en a besoin???":
bumps/lumps/nodules on shins???
white spots
Patch Of Eczema... There For Months??
white spot on gum - don't think tooth
Fluid around testicles??

Dans la catégorie "Je sème à tout vent":
How much is too much spit up
puking, but only at night???
Constant pooping
still having pooping problems
poop, poop and more poop!
et les classiques: Exploding Poops up back et Suddenly Explosive Bowels!!

Finalement, dans la catégorie "Énigmatique et absolument révulsant":
Black hairy tongue
qui a heureusement été suivi par:
black tongue gone (après vérification, je confirme que ça a guéri -- ce n'est pas la langue qui est tombée).

***

N'y a-t-il pas dans tout ça amplement de matériel pour produire une nouvelle série télé?

Titre provisoire: Les Poupons: C'est aussi ça la vie.

2006/04/07

J'AIME

Jésus Christ à bicyclette! Je viens de trouver mon prochain projet au tricot.

À trois, attachez vos tuques! Une, deux...

2006/04/06

Eau, ma divine

Le débat: Doit-on donner de l'eau à Bébé à la bouteille ou au verre?

Ma contribution: Sortons donc de ces sentiers battus et rebattus! Pourquoi se limiter à ces deux options alors qu'il semble si facile et jouissif pour Bébé de siphonner l'eau du bain à l'aide de sa débarbouillette?

Combines et combinés

Je déteste le téléphone. Même appeler des amis, ça m'indispose. En fait, si je recevais une lettre tout ce qu'il y a de plus légitime qui m'enjoignait d'appeler au 1-800-Quèqu'chose pour réclamer un gros lot de 5000$ sans condition, ça prendrait trois semaines avant que je me décide.

Mais il y a pire que parler au téléphone: c'est parler au téléphone avec des enfants.

Qu'on me comprenne. J'aime les enfants. J'en ai deux. J'aurais commencé à vingt ans et j'en aurais eu cinq si j'avais su. Je me suis tenue avec des enfants pendant des années (il y a longtemps). Simplement, je n'apprécie guère la combinaison enfants-combiné.

Enfin, non, ce n'est pas vrai. Il y a bien quelques enfants avec lesquels j'irais jusqu'à dire que j'ai du plaisir à parler au téléphone. Les miens.

Sérieusement, il faut vraiment être plein de ressources et de bonne volonté pour discuter le bout de gras avec un bout de chou. De un, au téléphone, ils n'ont rien à dire. Et les enfants, ils ne sont pas comme des adultes qui n'ont rien à dire: nous, on a le small talk. On parle pareil. Eux, non. Non seulement ils n'ont rien à dire mais en plus, ils se taisent. De deux, si par hasard ils se décident à proférer un son, je vous parie ce que vous voudrez que ce sera incompréhensible. Insupportable!

Comment? Si cela m'exaspère à ce point, je n'ai qu'à ne pas parler aux enfants au téléphone? Oh, oh, minute: est-ce que j'ai déjà demandé à parler à un enfant au téléphone? Le diabolique de la chose, c'est que ce sont les parents du chérubin qui, la majorité du temps, imposent ces "conversations" à leurs victimes innocentes.

Une connaissance -- Je te dérangerai pas longtemps, c'est Machin qui m'a dit que tu avais une bonne recette de pâtes tomates-basilic.
Moi -- Heu, oui, alors tu as besoin de quatre tomates, d'ail...
(Cris en voix off: "Veux pahler au téhéphoooooooooone! Veux! Wouiiiiiiinnnn!")
La connaissance -- Minute, y'a Ti-Chou qui me tire les cheveux.
(Connaissance en voix off: "Attends, Ti-Chou, maman parle à Mère indigne ." "Mé moi veux y pahler, bon!!! Veux!!! Ouinnn!" "Voyons Ti-Chou, tu ne la connais même pas." "Ouiii la connaiiiiiiiis!!! Wouiiiiinnnn!)
La connaissance -- Bon, Ti-Chou veut te parler. Attends, je te le passe.

Hein? Quoi? Mais veux pas lui pahler, moi, à Ti-Chou! D'abord, je ne me souviens même plus de son nom! Et ma recette alors?

Mais il est déjà, hélas, trop tard. Le piège s'est refermé sur moi. Une respiration sifflante se fait entendre à l'autre bout de la ligne.

Moi, de la voix sirupeuse d'usage -- Allôôôôô toi! Comment ça vaaaa?
Ti-Chou -- (Respiration sifflante.)
Moi -- Ça va-tu bieeeen?
Ti-Chou -- (Respiration sifflante.)
Moi -- C'est qui tes amis à la garderiiiiiiie?
Ti-Chou -- (Respiration sifflante. Voix de la mère en arrière-plan: "Dis bonjour, Félix-Robert!" Ah ouais, c'est ça. Félix-Robert.)
Moi, faisant de gros, gros efforts -- C'est quoi ton jeu préférééééé, Félix-Robeeeert?
F.R.: Vhhrimmeian. Ghrruguian. (Ces gargouillis inhumains sont interrompus par le son du téléphone qui tombe par terre. Mon cauchemar serait-il terminé? "Hon! Tombééé! Tiens, Chouchou, le téléphone est ici." Faut croire que non.)
Moi -- Pouf, pouf. Es-tu content de t'appeler Félix-Robert, Félix-Robert?
F.R. -- (Respiration. Sifflante.)
Moi -- Sais-tu qu'avec un respir pareil, tu pourrais faire des bonnes blagues de pervers au téléphone?
La connaissance -- J'te demande pardon???

Ben oui. C'est ça le problème. On ne peut même pas déconner un peu au bout du fil, on ne sait jamais quand les parents vont reprendre le combiné.

À la limite, on pourrait ne rien dire du tout. "Tu parles pas, mon p'tit coco? Ouais, ben tu sauras que c'est un jeu qui se joue à deux." Puis, ayant énoncé les règles, se taire jusqu'à ce que le papa ou la maman reprenne possession de l'appareil. Mais il y a fort à parier que, n'entendant pas sortir du combiné de bourdonnement familier se terminant en point d'interrogation, les parents se douteront de quelque chose. Et seront mécontents. En effet, non seulement il faut de bonne grâce parler à Ti-Chou, il faut de surcroît avoir l'air d'aimer lui parler au téléphone.

Ne pourrait-on pas alors continuer tout bonnement à lire notre polar à voix haute, en mettant les intonations sirupeuses aux endroits pertinents?

-- "Le problèèèèème, Conrooooy, c'est que je ne te fais pas confiance pour l'enquêêêêêête"?
-- (Respiration sifflante.)
-- "Ah ouaiiiis, Jaaaaack?"
-- (Respiration sifflante.)
-- "Eh ben toiiii, ton problèèèème, c'est que tu es un fils de puuuuuute"?
-- Je te demande pardon???

Eh oui. Prise la main dans le sac, et retour à la case départ.

***

Tu dis? Ta fille veut absolument me parler, mais avec tout ce que je viens de te raconter, tu n'oses pas...? Heu... Mais non, voyons! Y'a pas de problèmes! Tu es une amie, après tout, c'est pas pareil... Et puis je ne voudrais pas que ta Chouchoune se sente rejetée par ce monde d'adultes déjà si opaque et sans pitié. Mais à condition que, si elle ne dit rien, tu reprennes le téléphone après quinze sec... Allô? Allôôôôô toiiii!... (Respiration sifflante.) Ça va-tu bieeeeeen?

Engagez-vous, rengagez-vous, qu'y disaient!

2006/04/04

Don't bring ze bile

L'avantage d'être une mère au foyer (et là, je vais être très, très sarcastique), c'est qu'on peut jeter un coup d'oeil sur les émissions de télé des p'tits matins de semaine. Étrangement, elles ont la propriété d'hypnotiser Bébé et de lui faire avaler sans sourciller tout le contenu de son biberon. Mais surtout, dans ces émissions, des madames bien de leur personne et encore mieux dans leur corps et dans leur tête nous assènent quantité d'informations ont on aurait parfaitement pu se passer tout en gardant notre bonne humeur.

Ainsi, jamais avant ces petits intermèdes matinaux je n'avais pu constater à quel point la rénovation d'une garde-robe et les témoignages sur le nudisme familial me laissent complètement froide.

J'y ai aussi compris la raison exacte pour laquelle le scrapbooking me pue au nez. Mettons que ça prend deux semaines pour décorer la chambre du bébé; comptez un gros deux semaines de plus pour remplir trois pages de votre scrapbook avec tous les détails de cette merveilleuse aventure. Peut-on s'entendre pour dire que le scrapbooking, c'est vraiment, mais vraiment un sport pour les gens qui ont une femme de ménage?

L'autre jour, je faisais boire la plus petite moitié de ma progéniture devant Les saisons de Clodine. (En passant, la Cloclo, elle s'habille un peu trop sexy pour la maman moyenne encore en robe de chambre et qui fleure bon le régurgit. Le but est-il de nous faire sentir coupable, de nous amener à vouloir refaire notre garde-robe et, puisque nous sommes complètement coupées de la mode, de nous obliger à nous taper son émission avant d'aller au Carrefour Laval? Mystère.) J'avoue que Clodine m'a appris une tendance vraiment intéressante: on ne peut plus capoter.

En effet, bonnes gens, il n'est plus de bon ton de stresser. Avant, fallait gérer son stress, maintenant, il faut le relativer grâce à "l'échelle de l'anxiété", dixit une Madame qui se brosse les dents au Rembrandt. Grâce à cet exercice, vous pourrez relativiser votre stress à un point tel qu'il deviendra ridicule de vous en faire pour quoi que ce soit.

Prenons par exemple perdre son emploi: ça peut être assez stressant, non? Sur l'échelle de l'anxiété, 1 étant "tout est tiguidou" et 10 signifiant "c'est la fin du monde!", perdre sa job doit au moins scorer dans les 7 ou 8, non? Faux! Pourquoi? Parce que si on compare à d'autres événements traumatisants, comme perdre son enfant ou son conjoint, perdre son emploi devient aussi anxiogène que s'apercevoir qu'on a avalé une mouche en faisant du 30 km/h sur son vélo ( si on n'est pas allergique aux mouches). D'où ma conclusion: on ne peut plus capoter.

Votre fringuant mari rentre à trois heures du matin d'un 5 à 7? Considérez vous chanceuse: il aurait pu se faire couper les deux jambes dans un accident de la route. Il se fait couper les deux jambes dans un accident de la route? Rassurez-vous tout de suite: il aurait pu être mort. Votre ado fo-folle rentre à trois heures du matin et vous demande pourquoi votre limite de carte de crédit s'arrête à 4000$? Remerciez le ciel, elle est vivante! Tes voisins du haut se tapent la trame sonore de Titanic tous les soirs sur leur système de son high-tech, les haut-parleurs à fond? Chill out, poulette: tu pourrais vivre sous une dictature et te faire violer tous les jours par des soldats pas propres sous les yeux de ta mère!

D'accord, j'exagère. Mais cette idée de devoir à tout prix se calmer, reconsidérer, se comparer et se consoler me semble, elle aussi, un tantinet exagérée. Il n'y a pas que la mort d'un proche qui justifie de ressentir une grande anxiété. Disons les choses comme ça: perdre un proche est horriblement dramatique. Mais est-ce que perdre son emploi ne peut pas être très, très dramatique? Autrement dit, si l'échelle de l'anxiété fait deux mille mètres de haut et que je grimpe seulement à 400 mètres, est-ce que je suis ridicule d'avoir le vertige?

Et puis, statistiquement, perdre un être cher se produit heureusement très, très rarement. Si je mesure sans arrêt ce qui m'arrive de moche à l'aune de ce critère, je n'aurai, statistiquement, jamais vraiment de bonne raison de m'en faire. Je serai obligée de faire bonne figure pratiquement 365 jours par an. Comme dirait le coucou, mon caractère n'est pas à ce point serin.

Mais bon, de quoi je me plains? Môman à temps plein, ce n'est pas très anxiogène, n'est-ce pas? Épuisant, certes, mais point de vue anxiété, ça s'endure. Et puis, hein, je pourrais être morte! Ou pire: je pourrais décider de rénover un placard et de consigner l'expérience dans un scrapbook. Ou alors mon mari pourrait commencer à faire du barbecue tout nu dans la cour arrière.

Du coup, probablement que les voisines sortiraient leur échelle. Et ce ne serait pas celle de l'anxiété.
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