2006/06/28

L'école d'été, la suite: La revanche d'Eugénie

Dire qu'il y en a qui doivent inventer des histoires. Moi, je n'ai qu'à me baisser pour les ramasser. J'en veux pour témoin le résultat de ma cueillette d'hier:

En tout cas, c'est frette


Représentez-vous deux fillettes examinant un réfrigérateur. Pas ce qu'il contient, non; ça, c'est déjà fait. Elles observent plutôt sa silhouette en se placotant des vraies affaires:

Fille Aînée, pointant le congélateur: Ça, c'est le réfrigérateur.
Eugénie: Ouain!
Fille Aînée, pointant le bas du réfrigérateur: Et ça, c'est le frigidaire.
Eugénie: Ouain!!! C'est ça!!!
Fille Aînée: Aussi appelé "frigo".
Eugénie: Ah ouain. C'est vrai.

Si elles me l'avaient demandé, je leur aurais dit ce qu'il y a au-dessus du frigo. Trop bébé-fafa comme question.

De la poussière, voilà c'qu'y a.

Les Bronzés

Quelque temps plus tard, les deux fillettes prennent une marche avec Mère indigne qui elle, prend aussi des notes.

Eugénie: La femme qui reste là, là, je la connais. J'y ai déjà donné une ch'nille.

M'étonne vraiment pas.

Eugénie: En plus, oké, elle est mariée avec un Noir.

Graine de raciste, en plus! She's got it all.

Moi: Ça, Eugénie, ça devrait être le moindre de tes soucis.

Fille Aînée: Oui, ça, c'est vrai. Moi, au début de l'année, mon amoureux, c'était un Brun. En fait, deux Bruns. Ils étaient full cools.

(Fille Aînée peut être très poétique. Elle peut aussi être très littérale. Dans notre famille, nous ne sommes pas des Blancs; nous sommes des Beiges. Je trouve ça plutôt charmant; il y a moins de différence entre un Beige et un Brun qu'entre le noir et le blanc, non? Mais une fois, il a fallu que je mette le holà à ses euphémismes: parce qu'elle lui trouvait un joli teint ensoleillé, elle avait qualifié son ami Dominicain de "bronzé".)

Du travail pour nos amis les arbres

Plus tard dans la promenade, alors que nous admirions les châtaigners (marronniers? autre chose? anyway, des arbres) en fleurs:

Fille Aînée: Dis donc, Eugénie, sais-tu que les arbres respirent?
Eugénie: Ouais. Y sont vivants.
Fille Aînée: Oui, mais savais-tu que c'est grâce à eux que nous, on peut respirer?
Eugénie: Huh?
Fille Aînée, très démonstratrice Tupperware: Maman, tu nous expliques?
Moi: Hum. (Comment ça marche, déjà?) Ben, le jour, ils rejettent du mauvais air, puis la nuit, ils prennent notre mauvais air pour en faire du bon. (Père indigne me confirmait hier soir qu'il s'agit en fait plus ou moins de l'inverse. Mais on peut s'entendre pour dire qu'il y a la lettre et l'esprit de la lettre, hein.)

C'est alors que Fille Aînée, très Julie Andrews dans la Mélodie du bonheur, lève les bras au ciel, renverse sa tête par derrière, prend un grand respir et s'écrie: "Ça sent BON, du BON AIR PUR!!!"

Le moment parfait pour Eugénie, qui ajoute: "Ouain, ben moi, j'ai pété."

***

Qu'à me baisser, vous-dis-je.

C't'une fois une nerd dans une piscine...

Entendu dans notre piscine avant-hier:

Fille Aînée: Moi, je suis un dauphin! Et toi?

Eugénie: Heu, une baleine.

Fille Aînée: Quelle sorte de baleine?

Eugénie: Heu, une baleine ordinaire.

Fille Aînée: Ah, ça ne se peut pas! (Rire entendu.) Il y a trois sortes de baleines. D'abord, la plus grosse: la baleine bleue. Ensuite, la baleine à bosses. Puis, la plus "petite" (on entendait les guillemets), le rorqual. Qui ne mesure que dix mètres! (Re-rire entendu.)

(Les hululements qu'on pouvait entendre à proximité n'étaient pas des cris de hibou égaré en plein jour près du boulevard Concorde mais les expressions de gaieté de Père indigne et moi qui, dans la cuisine, nous tapions les cuisses d'une main en nous essuyant les yeux de l'autre.)

Eugénie: ...

Fille Aînée: Pis, t'es quelle sorte?

Eugénie: Ben. Une baleine.

J'étais un peu déçue d'Eugénie. De sa part, je m'attendais à un cinglant: "T'es quoi, le schtroumpf à lunettes de plongée?" ou simplement à un retentissant "Ta yeule!". Mais non. Rien.

Quoique.

À mon avis, elle octroyait probablement un fier finger sous-marin à Fille Aînée. En tout cas, à voir sa tête, elle en avait tout l'air.

2006/06/20

1001 blagues pour nouveaux parents

J'ai des livres de blagues à la maison. Des livres de blagues pour les parents. Ils s'intitulent "Mon enfant: Je l'attends, je l'élève" et "Mieux vivre avec notre enfant, de la naissance à deux ans". On ne dirait pas des titres de livres rigolos, et pourtant! Une vraie mine de plaisanteries.

J'ai juste le temps d'une sieste de bébé pour vous en parler, mais voici les trois meilleures:

1) "Votre nouveau-né ne peut pas se forcer à rester éveillé, et, une fois endormi, rien ne peut le troubler, tant qu'il n'a pas eu son compte de sommeil."

Je parie que vous vous roulez déjà par terre de rire, mais ce n'est pas fini!

2) "Le bouchon muqueux est expulsé par le vagin avant ou pendant le premier stade du travail."

Avant le premier stade du travail, ça peut vouloir dire quinze jours avant. De quoi vous dilater la rate quand bébé se fait attendre et que vous guettez chaque signe qui indiquera que ça y est!

(Question d'un ami bricoleur de Père indigne (salut, J.-F.): "Le bouchon muqueux, on peut-tu le remettre une fois qu'il est enlevé?")

Et la palme d'or des remèdes contre la morosité, toutes catégories confondues:

3) "Allaiter ne déforme pas vos seins. Ils grossissent puis diminuent, mais reprennent leur forme petit à petit après le sevrage."

Petit à petit, comme dans trois ou quatre ans.

Ou jamais, ah! ah! ah!

On se tient les côtes, non? Comme la fois ou je suis sortie d'une cabine d'essayage, quelques semaines après avoir cessé l'allaitement, pour me rendre compte que j'avais l'air d'une fille de six ans qui essaie les pulls de sa mère! On se marre! Même la vendeuse était crampée!

Pour tout vous dire, y'a même de l'écho dans mon haut de maillot rembourré! Hi, hi, hi! Hum.

À toutes celles qui, comme moi, comprennent depuis la fin de leur allaitement que les planches à repasser ont des émotions, je dédie cette complainte nostalgique:

Père Noël, Père Noël,
Où sont mes bébelles?
J'en ai eu, j'en ai plus
Mon décolleté me tue

***

Demain, une confession de Père indigne...

2006/06/14

"Chérie, on peut canceller la chirurgie!"

Fille Aînée dans son bain hier soir:

"Je fais mousser mes cheveux, puis, je les ramène bien sur ma tête. Plus de couette qui dépasse... et hop! Voilà Mesdames et Messieurs, le CHANGEMENT DE SEXE! Si vous voulez CHANGER DE SEXE, vous n'avez qu'à (elle pointe le shampoing) utiliser CE MÉDICAMENT! Et si vous voulez REVENIR à votre SEXE D'AVANT... on rince... et voilà! Vos cheveux sont redevenus longs et vous êtes à nouveau une FILLE! T'as vu ça, Maman?"

"C'est fantastique, chérie."


Il faut juste un peu de Finesse,
Ou il en faut beaucoup...

2006/06/13

Mosaïque anniversaire

Père indigne et moi avons fait office de parents célibataires ce week-end. Moi, j’accompagnais Bébé à la fête de mon beauf’ alors que Père indigne faisait la roue devant les mamans à l’anniversaire d’un copain de classe de Fille Aînée. Petits tableaux de cette fabuleuse journée:

Chez le beauf’

J’ai à peine le pied dans la maison que mon beauf’ chéri m’offre un kir :

-- Un kir? Il est quelle heure? Même pas onze heures? All right!

Aussi bien faire des provisions pour plus tard.

***

Small talk à la Mère indigne :

Moi -- C’est fou comme on est plus relaxe au deuxième enfant.
Gentille convive -- C’est vrai.
Moi -- Je la laisse même jouer avec des sacs en plastique.
Gentille convive, l’air stupéfait -- !!!
Moi -- Heu, avec un nœud dedans, pour ne pas qu’elle rentre sa tête à l’intérieur…
Gentille convive -- !!!
Moi -- Heu, toujours sous surveillance, évidemment…
Gentille convive -- !!!
Moi -- Presque jamais, en fait…
Gentille convive -- !!!
Moi -- Ah, ah, ah! C’était une blague! Hum.
Gentille convive -- Hum, hum.

Je suis géniale pour le small talk. C’est pourquoi je décide d’aller rejoindre les enfants, ces petits êtres qui savent vous accueillir malgré vos comportements dégénérés. Je passe la demi-heure suivante à me faire tapocher sur la tête avec un ballon expertement manœuvré par le charmant et blondinet neveu du beauf’. Le ballon est gonflé à l’hélium; ça pourrait être pire.

***

Mon assiette est pleine, et ô, miracle!, générosité sans égale!, Mamie a été endormir Bébé. Je peux manger tranquille!

Je vais me cacher sur un coin reculé du divan, derrière une plante verte, et entreprends de déguster ma cuisse de poulet.

“WAAAAAAA!!!” BOING! BOING! BOING! « WAAAAAAA!!! » BOING! BOING! BOING!

C’est le blondinet qui, ne se laissant pas déjouer par une vulgaire plante verte, a retrouvé sa copine de ballon et hurle sa joie en me binant sur la tête de plus belle.

“WAAAAAAA!!!” BOING! BOING! BOING! « WAAAAAAA!!! » BOING! BOING! BOING!

-- Ah, ah, ah! Très drôle, chéri, mais maintenant Mère Indigne va manger, d’accord?

“WAAAAAAA!!!” BOING! BOING! BOING! « WAAAAAAA!!! » BOING! BOING! BOING!

-- Hi, hi, hi, va jouer avec ta cousine, chéri, je pense qu’elle t’attend.

“WAAAAAAA!!!” BOING! BOING! BOING! « WAAAAAAA!!! » BOING! BOING! BOING!

Finalement, je lui ai pris le ballon et l'ai tapoché moi-même sur la tête avec intensité. Il pensait que je jouais, mais en fait, je me défoulais.

Je ne me souviens pas d’avoir fini mon assiette, mais je me souviens avoir pensé que j’avais bien fait de prendre ce kir en arrivant.

***

La scène de la journée : Ma nièce de trois ans et demi qui court partout avec un énorme ballon dans les bras, en hurlant : « ATTENTION, LES GROSSES BOULES ARRIVENT! ATTENTION, LES GROSSES BOULES ARRIVENT! »

***

Du côté de Père indigne :

Pendant ce temps, Père indigne sauvait le monde, une piñata à la fois.

Pour l’anniversaire du copain de Fille Aînée, ses parents se sont laissés prendre à offrir cette invention du diable, j'ai nommé une piñata.

Je sais que dans leur tête, tout se déroulait comme dans un rêve. Les enfants se partageaient le batte et tapaient sur la piñata à tour de rôle pendant quelques minutes jusqu’à ce que leur fils, d’un coup bien placé, fasse exploser la piñata et que tout le monde se régale des mille et une surprises échappées du ventre de la bête.

Sauf que les piñatas, ça ne tient pas du rêve, mais du cauchemar.

Fait numéro un : les enfants sont incapables de faire exploser une piñata. Fait numéro deux : la plupart des adultes aussi. Alors on frappe, on frappe, et le temps devient, comme qui dirait, long. Surtout en compagnie d’adultes qu’on ne connaît en général ni d’Ève ni d’Adam et qu’on a l'obligation de côtoyer seulement parce qu'un individu pré-pubère à l'allure louche fréquente la même classe que sa fille.

Bref, les enfants ont tapé pendant cinq minutes. Puis dix. Quinze. Rien à faire. La piñata lâchait bien un bonbon de-ci, de-là, mais sans jamais livrer toutes ses promesses. Dans le jargon, on appelle ça une agace-sucette.

C’est alors que Père indigne, la tentation faite homme, susurra à l’oreille de l’hôtesse : «Est-ce que les adultes peuvent jouer?»

La dame, pas folle, comprend alors que les choses seront prises en main. «Les enfants, les adultes aussi vont avoir leur tour!»

Les enfants non plus ne sont pas fous et commencent à en avoir assez du maudit âne qui se balance d’un air narquois. Ils cèdent volontiers le batte à la mère du fêté, qui frappe. Pang! L’âne plie mais ne rompt pas.

Père indigne s’avance. Tous retiennent leur souffle. PATACLOW!

L’âne a plié, ne s’est toujours pas rompu, mais il gît à présent par terre, inanimé. Livré à la convoitise d’une bande d’enfants sans pitié, il est prestement éviscéré et rend enfin son dernier soupir sucré.

Soulagement chez les petits et les grands. Père indigne est porté en héros et revient à la maison couvert de rouge à lèvres.

Mais non, c'est une blague. Ou en tout cas, il a eu le temps de se laver.

2006/06/11

La vie chante (la la la la la)

Ne tombons pas dans l'hypocrisie: les jeux pour faire passer le temps dans l'auto, ça dépend des jours. Des fois, c'est correct, mais d'autres fois, c'est vraiment emmerdant.

Ces temps-ci, Fille Aînée est partie sur "inventer des chansons". Et ces temps-ci, ça m'emmerde. Alors je m'arrange pour être au volant: "Hon, Maman peut pas, elle doit se concentrer pour conduire." Fille Aînée s'accomode assez bien du rôle d'auteur-compositeur-interprète qui lui revient d'office, mais comme j'ai vraiment besoin de toute ma concentration en conduisant, elle n'échappe pas à quelques frustrations. Par exemple, mercredi dernier:

-- Maman, on joue à inventer des chansons? C'est toi qui commence!
-- Hon, Maman peut pas, elle doit se concentrer pour conduire.
-- O.K., donne moi un sujet.
-- Heu, les amis.

Et Fille Aînée de commencer à chanter (en déclamant, s'il-vous-plaît; elle est assez comédienne, mais alors là, très sérieuse):

Je voudrais tant avoir un amiiii
Un seul ami
Ou peut-être même deux
Je suis seuuuuule
Mes parents m'ont abandonnééééée (Joli.)
Alors que j'avais besoin d'euuuuux (De mieux en mieux.)
Mais ils ne voulaient pas
C'est le roiiiiii qui les a fait enlever (Me semblait ben aussi.)
Mais tout ça m'est égal (Hein???)
Si seulement j'avais un amiiiiii
Un seul amiiiii
Ou peut-être même deuuuuuuuuux...
(Silence.)
Ahem. AHEM.

-- Oh. Bravo Chérie! Très jolie chanson.
-- Meeeerci. Quoi d'autre?
-- Hmmmmm? (Coudonc, y'a donc ben du trafic aujourd'hui...)
-- Sur quoi d'autre je chante?
-- Heu. (Whatever.) Le ciel?

Le cielll
Le cielllllllllllllll
C'est beau c'est grand c'est bleuuuuuuuuu
Quand il n'y a pas de nuaaaages
S'il nous n'avions pas le ciellllllllll
Nous tomberions
Comme une roche
Une rocheuh
Une rocheuh
Une rocheuh
Une rocheuh
Une rocheuh
Une rocheuh
(WTF am I going to say nexteuh?)
Une rocheuh
Une rocheuh
Eeeeeeeeeeet,
C'est grâce au cielllll
Que nous pouvons voir des
Bouchées de soleil

-- Oh, c'est joli, ça, chérie, des bouchées de soleil!
-- Maman. J'ai dit des couchers de soleil.
-- Ah. Excuse-moi.
Silence.
-- Ahem.
-- Hum, oh, bravo chérie, très jolie chanson.
-- Meeerci. Quoi d'autre?

C'est alors que j'ai eu envie de tester ce que donnait sur un enfant de six ans un thème qui, ainsi que j'avais pu le constater au hasard d'une récente exploration blogueuse, avait bouché un jeune troubadour pourtant fort motivé:

-- Les cônes oranges.
-- Quoi??
-- Ben, les cônes oranges comme on voit parfois dans la rue quand il y a des accidents.
-- ...
-- Ça t'inspire pas, les cônes oranges?
-- Maman. Un vrai sujet, s'il-te-plaît?
-- Pffft. Les marguerites.

Etc., etc. Et je vous épargne le voyage du retour.

Mais quoi qu'il en soit, on le saura: les cônes oranges, ça écoeure les poètes, peu importe leur âge.

2006/06/09

Le courrier érotixe du Docteur Indigne

Chers lecteurs, nous en sommes au dernier jour de ce rallye (ou plutôt de cette course à obstacles) combinant le presque sexy à la quasi extase. Afin de vous redonner confiance en l’humanité, je vous présente le Docteur I., qui a une réponse pour chacune de vos questions les plus indignes. Suite de quoi, j’espère que vous mettrez le week-end à profit pour, je ne sais pas moi, faire du ménage?

***

Cher Docteur I.,
Nos amis, qui sont ensemble depuis quinze ans et ont deux enfants en bas âge, font encore l’amour comme des lapins et n’hésitent pas à s’en vanter devant nous, qui sommes en couple depuis huit ans, avec une seule fille plus si jeune que ça. Nous savons que c’est une attitude méprisable de notre part, mais à chaque fois qu’ils nous parlent de leur maudite vie sexuelle, nous les castrerions avec délectation. Que faire pour conserver l’amitié de ces casse-couilles?

Mariette


Chère Mariette,

VOUS N’ÊTES PAS SEULE. Croyez-en mon expérience, ce genre de casse-couilles est extrêmement répandu et suscite bien des envies de castrations intempestives. Heureusement, plusieurs solutions s’offrent à vous.

Par exemple, avez-vous songé à suspendre vos relations amicales pendant une soixantaine d’années? Parions qu’à 90 ans, ils seront moins fringants. Le problème est qu’ils pourront alors vous rabattre les oreilles avec leurs exploits passés, mais à ce stade, vous souffrirez probablement d’Alzheimer et n’en aurez cure. En désespoir de cause, vous pourrez toujours leur voler leur dentier; leurs tentatives de vantardise perdront rapidement de leur mordant.

Si cet écart de soixante ans vous semble quelque peu exagéré, pourquoi ne pas concocter une statuette vaudou maison à leur effigie? Vous avez sûrement quelques poupées qui traînent chez vous! (Attention : ne prenez pas la plus vieille et la plus laide, c’est la préférée de votre fille.) En les décorant de quelques aiguilles judicieusement placées, vous refroidirez les ardeurs de Lapineau et de Lapinette, qui ne se vanteront plus tellement de grand-chose lors de vos soupers de couples mais s’éclipseront dorénavant épisodiquement à la salle de bain, question de se rafraîchir le Vagisil.

Finalement, et je sais que la solution semblera drastique, mais qu’à cela ne tienne, pourquoi laisser l’amertume vous envahir au récit exalté de leurs exploits débridés alors que vous pourriez, si j’ose dire, en prendre de la graine? Un couple de ma connaissance, qui préfère conserver l’anonymat, a tenté l’expérience qui suit :

Mère indigne : Je me demande ce que X et Y font ce soir?
Père indigne : Tu sais bien, ils doivent être en train de baiser.
Mère indigne : Tiens, ça ne te donnerait pas une idée?...
Père indigne : T’es folle! On est lundi!
Mère indigne : Et après?
Père indigne : Et après, on va être tout mêlés. Baiser un lundi. Non mais.
Mère indigne : Ouais, peut-être bien… En plus, il est quelle heure?
Père indigne : Neuf heures vingt-huit.
Mère indigne : Autant dire neuf heures et demie…
Père indigne : Dans exactement deux minutes.
Mère indigne : Tu as raison, ce n’est ni le jour, ni l’heure pour faire des cochonneries. Excuse-moi, je ne sais pas où j’avais la tête.
Père indigne : On se regarde un Cœur a ses raisons?
Mère indigne : Yes!

Hum, oui, bon, enfin, ça ne tourne pas toujours comme on l’avait prévu, mais l’important, c’est d’essayer.

***

Cher Docteur I.,
Mon mari est fanatique du sexe anal. Que faire?
Marie-Rose


Chère Marie-Rose,

Je remarque tout d’abord que vous n’êtes pas douée pour la dactylographie car vous vouliez bien évidemment parler de « sexe banal ». Vous êtes toute excusée, ça arrive aux meilleurs d’entre nous.

Donc, votre mari aime le sexe banal. Je conçois votre découragement, mais cette situation a ses bons côtés. Si vous avez des enfants ou prévoyez en avoir, le sexe banal, i.e. discret et confiné à la chambre à coucher, est comme qui dirait une condition ciné-quoi-nonne de l’acte sexuel (j’ai lu du San Antonio hier soir).

La chambre à coucher, loin d’être cet endroit soporifique décrié par tant de célibataires trop jeunes pour connaître les maux de dos et démangeaisons consécutifs à des séances débridées de remeuleumoileu effectuées sur le carrelage de la salle de bain ou le paillasson piquant de l'entrée, est votre doux refuge, votre molletonneux sanctuaire, où un matelassé ami accueillera vos fèfèsses douillettes sans gémir (ou si peu). De plus, un loquet judicieusement installé sur la porte de cet antre de l’amour-confort empêchera vos petits angelots somnambules de découvrir que papa et maman font autre chose ensemble que de la sauce à spaghetti.

Bref, chère Marie-Rose, vive l’amour banal! C'est sans douleur, et à la portée de toutes les bourses.

***

En terminant, chers lecteurs, un conseil : s’il vous venait l’envie de pimenter votre valse de l’amour par des déguisements quelconques, soyez prudents. Que de couples ais-je vus en consultation suite à une irruption intempestive de Junior dans la chambre à coucher, surprenant alors Papa déguisé en cowboy et Maman en danseuse de French cancan? «Veux jouer, moi aussi» n’est pas une phrase que l’on souhaite entendre au plus fort d’une reconstitution pas très historique d’Il était une fois dans l'Ouest.

***

Merci, cher Docteur Indigne, pour ces calembredaines, cabotinages et douteux conseils que nous ne manquerons pas de mettre en pratique, surtout sur X et Y.

Ainsi se clôt notre semaine thématique câline et coquine, chers lecteurs. La semaine prochaine, un retour à notre ordinaire. Et aussi, préparez-vous psychologiquement : ma belle-mère arrive le 14 pour quelques semaines, ce qui risque de ralentir ma légendaire proliféritude. Vous me pardonnerez?

2006/06/08

Parenthèse

Lu ce matin dans le Devoir à propos d'un des présumés terroristes de la région de Toronto:

"Qayyum Abdul Jamal avait notamment pour tâche de nettoyer les toilettes (de la mosquée) et de mettre les poubelles à la rue pour la collecte. Six autres habitués de la même mosquée font partie des 17 personnes arrêtées.
Mais Jamal, un père de quatre enfants, semblait avoir d'autres choses en tête que nettoyer les toilettes."

Chacun sait pourtant que, quand on nettoie des chiottes, il faut vraiment être tordu pour penser à autre chose.

C'est moi, ou cette phrase de transition est complètement ridicule?

***

Dernière heure: Dû à l'inacceptable mais parfois inévitable intrusion de la vraie vie chez Mère indigne, nous devons interrompre momentanément notre populaire série Sex and the Mommy. Les plus frustrés peuvent casser du sucre sur le dos de Soeur indigne qui vient nous rendre visite avec ses deux chérubines.

Mais, chers amis, la lecture de n'importe quel petit biscuit chinois vous révélera que l'attente vous sera favorable. À l'instar de Club Piscine, nous chlorerons notre sujet demain avec le dépouillement du courrier de Docteur Indigne et ses éclairantes réponses.

2006/06/07

Confession VI...

La confession impudique...

(Je sais, j'ai un talent pour les métaphores douteuses.)

Concept piqué à PostSecret.

2006/06/06

Les carnets érotixes, la suite: Père indigne va au batte

Pour ce deuxième billet de notre folle série quasi-XXX, je cède l'antenne à Père indigne, qui la saisit d'autant plus volontiers qu'il n'est même pas à la maison en ce moment.

(Je suis sûre qu'il sera ravi de ce petit vol d'identité que je m'apprête à commettre. C'est tellement prévenant de se mettre à la place de l'autre, non?)

Voici donc: Les trucs de Père indigne pour capturer le mood.

***

Chers amis,

Vous êtes comme moi, Père indigne : vous connaissez les femmes. Ou bien croyez-vous seulement les connaître? Saisissez-vous vraiment l’importance, que dis-je, la crucialité de l’ambiance afin que s’accomplisse dans toute sa splendeur l’acte pour lequel Dieu a créé l’homme et la femme pour qu’ils réalisent la symbiose et atteignent l’apothéose de leurs destinées mêlées, et ce en moyenne deux fois par semaine? O.k., j’exagère, mettons une fois.

Oui, l’ambiance. L’atmosphère. Le climat. Le mood.

L’équation est simple. Pas d’ambiance, pas de chance. Pas d’atmosphère, pas de fesses à l’air. Pas de climat, pas de climax. Pas de mood, sortez l’huile de coude.

Mais comment, vous demandez-vous, au comble de l’anxiété, comment parvenir à instaurer cette ambiance alors que dans la maisonnée s’agitent et babillent ces quelques marmots qui, s’ils résultent d’un gros party luxurieux, en constituent après la naissance l’antidote par excellence?

Trois mots : Steak, blé d’inde, patates. Oh, pardon. J’ai confondu avec autre chose. Je disais donc, trois mots : Rapidité, flair, phéromones.

Que sont d’abord les phéromones? Facile : c’est l’odeur de l’amour. Et comme les phéromones font leur travail en catimini, vous n’avez pas besoin de vous en occuper. Faites juste vous croiser les doigts et espérer que les vôtres ont pris leur douche récemment.

Par contre, le flair et la rapidité, ça se travaille. Mais j’ai développé au fil des ans quelques trucs que je partagerai avec vous, en toute confidentialité.

1. Si, comme moi, vous possédez une épouse qui ne rechigne pas sur le côté rigolo de la vie, procédez comme suit (j’ai testé la formule avant de vous la refiler, évidemment) :

Dès que vos tout-petits sont au lit (et dorment), abordez votre tendre moitié en vous exclamant, clin d’œil bien senti à l’appui : « Chérie, un homme, c’est comme un meuble : ça s’astique. »

Vous provoquerez ainsi un éclat de rire garanti et cela est juste et bon, mes chers amis, car tout le monde sait que « le slip d’une femme se conquiert par des risettes » (Don Juan de Marco, à moins que ce ne soit ma grand-mère).

Par contre, attention. Si le sens de l’humour de votre femme est doublé d’un sens de la répartie aiguisé, vous risquez de vous faire répondre que c’est votre tâche à vous, d’habitude, d’astiquer les meubles dans la maison. C.Q.F.D. et retour à la case départ, j'en conviens.

Il se peut également qu’elle trouve votre blague tellement bonne que l’ambiance tourne à la franche rigolade. Si c’est le cas, vous vous retrouverez ensemble au lit, certes, mais ce sera pour regarder un épisode du Cœur a ses raisons sur votre portable. Been there, done that, got the t-shirt.

2. Notre flair nous suggère donc qu’un peu moins d’humour serait de mise. Qu’à cela ne tienne! Mettons donc les mousses au lit, monitorons l’activité électrique de leur cerveau afin de déterminer s’ils sont en phase de sommeil profond, et passons à l’action.

Je vous incite fortement à sortir des sentiers battus et à exprimer à votre douce et tendre vos intentions sulfureuses en faisant fi des déclarations habituelles et convenues, du style « je te veux là, toute nue, sur le paillasson piquant de l’entrée » ou encore « fais-moi un strip-tease sur la Danse des canards et du lip-sync en même temps, pourquoi pas? ». Tout cela a été remâché et rebattu tant de fois par tant d’amoureux à l’imagination sèche et stérile! Faites-lui plaisir, oubliez ces tactiques poussiéreuses et passez à autre chose, et en vitesse.

Pourquoi ne pas, comme moi, lui susurrer à l’oreille par un soir de pleine lune : « Chérie, ce soir, faisons le rite de l’amour… »

En entendant ces propos aussi audacieux que recherchés, elle se jettera sur vous et…

Bon, bon, j’avoue! Elle a ri! C’était une blague, aussi. Je suis Belge, bon sang, que voulez-vous que j’y fasse? Le sérum du rire coule dans mes veines, c’est inné, je n’y peux strictement rien, une fois.

Elle a ri, donc, suite de quoi elle m’a proposé de faire un sacrifice sur l’autel vaudou du stupre et de la luxure. On a encore ri, puis on a écouté un autre Cœur a ses raisons.

Ce que je voulais vous dire, en fait, les gars, c’est ça : il faut à tout prix créer l’ambiance. C’est juste qu’il ne faut pas créer n’importe laquelle.

Signé : Père indigne et ses anti-trucs

***

Merci, Père indigne, pour ce périple au fil des chemins les moins fréquentés (avec raison).

Coudonc, vont-ils ben finir par finir, vous demandez-vous? Aaaah, mystère et boule d’hormones...

En terminant, une petite blague : c’est quoi la différence entre astiquer un homme et astiquer un meuble? Le meuble, après, il est plus brillant. Prrrfffttt…! (Il a couru après, avouez.)

***

Demain : Une confession impudique...

2006/06/05

Les carnets érotixes de Mère indigne

Heille, on parle-t-y des vraies affaires chez Mère indigne, oui ou non?

Parce que, mes amis, on va parler de SEXE aujourd'hui. Aujourd'hui? Que dis-je! Toute la semaine! Une petite semaine thématique dans l'univers fascinant du sexe post-partum, ça vous tente? Oh, la la, les mains qui se lèvent! J'vois plus le fond de la classe.

Devant tant d'enthousiasme, je m'incline: voici donc les carnets érotixes de Mère indigne, un docu-drame/réaliti-blogue dont l'enjeu n'est pas de distinguer le vrai du faux -- tout est vrai, voyons -- mais bien de les lire sans avoir le goût d'aller piquer un somme au plus sacrant.

***

3 décembre 2005, 10h a.m.

Cher Journal,

Hier soir, Fille Aînée m'a demandé des précisions documentaristiques sur le thème "Objectif: Bébé". Ça m'a fait penser: IL SERAIT TEMPS. Tsé veut dire, temps. Le temps de.

Père indigne et moi, on a bien essayé "de" une couple de fois au cours des derniers mois, mais je ne te le cacherai pas, cher Journal, c'était surtout pour tester la tuyauterie. "Me recevez-vous cinq sur cinq, Mike India?" "Testing ouane-tou, testing ouane-tou, je vous reçois deux sur cinq, Papa India. Y'a encore de la friture sur la ligne. System failure! Remballez l'équipement et rentrez à Houston, ça presse. Roger that, 10-4."

Mais ce soir, cher Journal, ça va changer. En plus, je suis en forme! Ben, relativement en forme malgré les quatre réveils de Bébé cette nuit, mais je peux toujours me reposer pendant ses siestes!

Allez, un petit courriel à Père indigne pour lui dire de se tenir prêt pour le grand jeu!

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À: Père indigne
De: Hot Mama

Mon Biquet adoré,

Je suis tellement hot aujourd'hui que si je mange de la soupe, c'est elle qui va se brûler. Tiens-toi prêt pour le grand jeu!!!

Signé:

Ta Chérie EN FORME!!! xoxoxoxo
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À: Cutie Mama
De: Rocket Power

Chérie,

Message reçu. Je cours chez Érotim m'acheter des mitaines de cuisine en silicone (s'ils n'en ont pas en latex). Tu ne seras jamais trop hot pour moi!

Signé: Ton Biquet allumé
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Hou, la la! Ça va chauffer ce soir, je le sens!


1h p.m.

Pas moyen d'endormir Bébé. Pauvre chouette, on dirait qu'elle a des coliques. La seule chose qui la calme, c'est quand je danse la Danse des canards en accéléré. J'espère qu'elle s'endormira bientôt. Je l'espère vraiment.


5h p.m.

Bébé n'a pas encore fait de sieste, la p'tite maudite. Je pense que je l'ai trop excitée avec ma chorégraphie. La prochaine fois que je vois un canard, je l'éviscère à mains nues.

Et le devoir de Fille Aînée: "Demande à tes parents de lire ton porte-folio, de le commenter longuement et de signer ton bulletin pour demain absolument." Écrire un petit mot au professeur en invoquant l'"excuse sexuelle" pour remettre ça à plus tard? Peut-être que Madame Nicole comprendrait, mais pas Fille Aînée (et on ne veut pas qu'elle comprenne non plus).

Bref, je suis comme qui dirait un peu fatiguée. Mais courage, on est supposé faire la fiesta ce soir. Rester positive. Rester en forme. Surtout, rester réveillée.


6h p.m.

Bébé est crevée mais ne veut pas dormir. Elle pleure non-stop sauf si elle est dans mes bras. Fille Aînée me harcèle pour jouer aux devinettes. J'en peux plus.


7h p.m.

Heureusement, Père indigne est arrivé -- avec une bonne bouteille! Excellent. Ça fait toujours du bien, un petit apéro en préparant le souper (pas facile avec Bébé dans les bras, mais Père indigne voulait prendre une douche et on ne peut pas en vouloir à un homme d'être propre de sa personne, surtout avant the nuit d'amour. Heille, ça va chauffer pas à peu près! Je pense, en tout cas).

Allez Mère indigne, on remet son verre à niveau et à table tout le monde! Faut pas être en retard pour le dessert! ;)))))


4 décembre 2005, 8h a.m.

Cher Journal,

Je ne sais pas si Père indigne a eu du sexe hier, mais si oui, ce n'était pas avec moi.

Les événements de la soirée sont un peu flous dans ma tête, mais Père indigne m'a tout raconté.Je me souviens que pendant le souper, j'ai eu l'impression que mon assiette se jetait sur ma figure. En fait, c'est moi qui suis tombée la tête la première dedans. En ronflant. Fille Aînée m'a débarbouillée (il semble que je sois plus docile que Bébé dans ce domaine) et ils m'ont traînée dans le lit. Il paraît que je me suis levée à deux heures du mat' pour donner un biberon, mais Père indigne m'a renvoyée me coucher (j'avais mis le reste du vin d'hier soir au lieu du lait dans sa bouteille et j'avais commencé à boire le biberon moi-même -- je me demande comment j'ai pu faire un truc pareil!).

La dernière chose dont je me souviens, c'est Père indigne qui me murmure à l'oreille: "Si j’ai bien compris, tu es en train de me dire : À la prochaine fois. »

You've got that right, sweetheart. Je n'ai pas dit mon dernier mot.

Mais en attendant, si ça ne dérange personne, je vais quand même aller me recoucher. Bébé fait une looooongue sieste ce matin. Ha, ha, trop ha.

***

Demain, si les conditions sont favorables: Les trucs de Père indigne pour capturer le mood.

2006/06/02

C'est tellement mign -- ark.

Bébé est épatante. Elle a seulement neuf mois et elle essaie déjà de mettre des chapeaux sur sa tête! (Entre vous et moi, il est probablement normal qu'un bébé commence à faire ça vers neuf mois, mais qu'est-ce qu'on s'en fout! Mon bébé est fantastique, c'est toutte.)

Un soir cette semaine, Fille Aînée et moi en rigolions un coup de la voir se passer un chapeau sur le coco sans jamais réussir à trouver où ça "accrochait". Finalement, Bébé y parvient. Son visage est complètement caché et l'arrière de sa tête à découvert, mais quand même, n'est-elle pas sensass??? Autour d'elle monte un concert de félicitations et de rires ravis... jusqu'à ce que je lui enlève le chapeau pour le lui remettre correctement.

Je m'aperçois alors qu'avant de réussir son exploit, Bébé a copieusement vomi exactement dans le trou dudit couvre-chef. Qu'elle vient de se mettre sur la tête.

Quel visou, hein? Cette enfant est vraiment... horriblement... géniale.

P.S. Un détail: elle jouait avec mon chapeau.

2006/06/01

T'as une tache là!

Les parents examinant leur nouveau-né sous toutes les coutures : « Oh, elle a des petites taches rouges sur les paupières?... »

L’infirmière : « Ça va partir. »

« Oh, elle a des petites taches rouges entre les yeux?... »

« Ça va partir. »

« Oh, elle a des petites taches rouges sur la nuque?... »

« Ça va partir. »

« Oh, elle a une petite tache rouge sur le front?... Ça va partir aussi, hein? »

« Non. »

Tel fut notre première indication que Bébé aurait un petit quelque chose de spécial.

Les enfants appellent ça un bobo. Pour certains adultes, ça doit être une tache de naissance; pour d’autres, une poque. Quelques connaisseurs (comme la caissière de l’animalerie Yogi sur le boulevard des Laurentides) aventurent le bon diagnostic : un hémangiome.

Hé oui, comme le dit Fille Aînée, nous avons à la maison une petite princesse indienne : notre Bébé d’amour porte un bel hémangiome sur son front.

En soi, il n’y a rien là : ce n’est pas dangereux, ça ne lui fait pas mal, et ça partira tout seul d’ici deux ou trois ans. C’est juste que… le problème, c’est le monde, tsé. Je jure que Bébé pourrait avoir deux nez au milieu du visage que les gens (sauf la merveilleuse caissière du Yogi, Dieu la bénisse) ne la regarderaient pas plus bizarrement.

Je me souviens de mes expéditions au supermarché avec Fille Aînée quand celle-ci n’était qu’un poupon. Un «Oh!» n’attendait pas un «Ah!» et les «gouzigous» suivaient les « guiliguilis » à une vitesse folle. Je devais pratiquement enfiler des gants de boxe pour arriver jusqu’à mon panier d’épicerie monopolisé par une foule en délire. Bon, j’exagère un peu, mais je suis sûre les mamans et papas d’entre vous savent de quoi je parle. C’est plus fort qu’eux, les gens aiment les bébés.

Enfin, la plupart des bébés.

Ce que je constate avec Bébé, c’est que la moindre anomalie fait reculer les gens. Bébé est au moins aussi mignonne que Fille Aînée, mais elle a une poque. Alors au lieu de lui faire des gouzigous, les gens de l’épicerie, ils l’espionnent. Ben oui, mesdames et messieurs du IGA, je vous ai vus! Vous voyez son siège de bébé de dos, vous vous approchez pour jeter un coup d’œil au charmant petit ange mais oups! En voyant son petit je-ne-sais-quoi qui dépasse, vous décidez plutôt de vous abîmer dans la contemplation du Weston moelleux plus.

Parfois, vous vous faites jouer des tours. Ça m’est déjà arrivé de vous voir approcher alors que Bébé avait encore son chapeau sur la tête, qui cachait son hémangiome. Lorsque vous étiez en pleine séance de gagagougous, hop!, je le lui retirais! Quand ça arrive, vous devriez vous voir l’air. Presque drôle.

Ou bien, si vous avez de jeunes enfants avec vous, vous êtes pratiquement faits à l’os. «Oh, maman, regarde, le bébé, il a un bobo!» «Chhhht!» «Mais c’est quoi son bobo?» «Chhhht!» «MAIS MAMAN C’EST QUOI SON BOBO???» En général, à cette étape, je regarde gentiment votre tout petit et je lui explique. Et il comprend. Il est content. Et vous n’avez pas à avoir l’air aussi soulagé, hein. C’est pas parce qu’un bébé a une poque sur le front que sa mère est une méchante sorcière.

J’ai l’air un peu frustrée? Meuh voyons. Ha, ha ha! Pourquoi je serais… Bon, j’avoue. Je le suis. Frustrée qu’à cause d’un petit rien tout rouge, Bébé ne reçoive pas le même genre d’attention que sa grande sœur a eue avant elle. Frustrée que les gens figent pour si peu. Frustrée pour ceux dont les enfants sont vraiment malades et qui doivent vivre ça de manière incomparablement plus difficile.

Frustrée d’être frustrée, aussi. Je me rends compte que je vous attribue inévitablement des mauvaises intentions. Vous ignorez Bébé, vous êtes des salauds. Vous le regardez, des voyeurs. Vous ne lui parlez pas, vous êtes mesquins. Vous lui faites des gentillesses : bande d’hypocrites! Je sais bien que la plupart des gens ne sont pas méchants, juste gênés, mais je ne peux pas m’empêcher de les détester un peu, tous autant qu’ils sont, parce que j’ai l’impression qu’ils jugent mon beau Bébé. Bref, je suis systématiquement de mauvaise foi, et ça m’embête.

Et puis, je suis surtout frustrée de penser que moi aussi, si Bébé n’était pas comme ça, je ferais probablement comme tout le monde. On est mal à l’aise devant ce qu’on ne connaît pas, c’est juste comme ça.

Mais bon, avec le temps, je m’habitue. Si j’entends chuchoter derrière moi que «le pauvre petit bébé doit s’être cogné», je rigole à part moi et il arrive souvent que je me retourne pour expliquer la chose. Je me suis rendue compte qu’une fois que je discute avec les gens du pourquoi et du comment de «la poque», Bébé a droit aux mêmes gentillesses que Fille Aînée. Je peux bien faire ça pour elle!

Et en passant, la nature fait bien les choses: pour compenser, Bébé n'a pas une, mais deux jolies fossettes!

***

Dans un registre plus léger, voici la fois où j’ai le plus ri après-coup de la réaction de quelqu’un à l’hémangiome de Bébé :

La commis aux desserts du IGA : Hon, le beau ti-bé -- Mon doux!!! Qu’est-ce qu’elle a sur le front!?

Moi : Un hémangiome. Ce n’est pas gra…

La commis : Ah oui!!! C’est l’affaire qui grossit, là, qui grossit, grossit, pis un moment donné, ça PÈTE pis y’a plein de sang partout?!

On voit à son air émerveillé qu’elle serait totalement d’accord pour que ça se passe ici et maintenant.

Moi : Non, non. Ça va se résorber tout seul d’ici quelques années.

La commis : Aaaah.

Elle est extrêmement déçue. Je crois que j’ai, comment dire, pété la mauvaise balloune.

***

Répertoire des répliques que mon frère, ma sœur, Père indigne et moi avons inventées pour répondre à la question classique « Mon doux!!! Qu’est-ce qu’elle a sur le front!? » :

« Un piton On/Off. » (I wish.)

« Quand on dit qu’il ne faut pas prendre de drogue pendant la grossesse, c’est vrai. »

« J’aurais pas dû jouer aux auto-tamponneuses quand j’étais enceinte de huit mois. »

« Son cerveau fonctionne à l’énergie solaire; ça, c’est l’unité de recharge. » Ou encore : « Il n’y avait pas assez de place pour son cerveau dans sa boîte cranienne. »

« C’est une piqûre d’insecte. Pensez-vous que je devrais consulter? »

« Ça va grossir constamment. Dans un mois, elle sera aveugle. Dans quatre, à l’article de la mort. Mais vous pouvez lui faire des gagagougous. Pendant qu’il est encore temps. »

Ma réplique préférée : « Hon, mon Dieu!!! Quessé ça?!? J’avais jamais remarqué! »

***

L'hémangiome, item à la mode:


Fille Aînée, regardant des photos d'elle quand elle était petite: "Mais... il est où mon point rouge?"

Ma nièce, regardant sa soeur nouvelle-née: "Mais... il est où son point rouge?"

***

Bon, c’est pas tout ça, allez en paix, vous avez du travail à faire.

Mais souvenez-vous : si vous voyez un hémangiome avec un bébé en dessous, n’hésitez pas à lui faire une double belle façon (au bébé, pas au bobo) : ses parents vous en seront reconnaissants.

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