Est-ce que je vous ai déjà dit que j'adorais organiser des fêtes d'anniversaire?
Ça m'étonnerait, parce que j'haïs ça.
Le plus dur, c'est d'enlever le gros creux que j'ai entre les sourcils avant que les invités arrivent -- de quoi leur faire penser que je ne suis pas contente de les voir, ah, ah, ah!
Et le pire, évidemment, ce sont les fêtes d'enfants. En effet, les fêtes d'anniversaire prouvent encore une fois, si besoin était, que nous les adultes, nous sommes des êtres supérieurs. Civilisés. Car, enfin, organiser une fête pour un adulte? Easy peasy. "Oui, bonjour, je voudrais réserver samedi soir pour seize personnes." Et voilà! Le tour est joué!
Pour les enfants, c'est une toute autre paire de ce que vous voudrez.
D’abord, quand c’est la fête d’un adulte, on lui donne ses cadeaux mais on ne remplit pas un p’tit sac de surprises pour tous ses amis. Alors, dites-moi, qui a eu la brillante idée de penser qu’il ne fallait pas juste donner des présents à l’enfant dont c’est l’anniversaire, mais à tous les autres aussi? Probablement une conspiration des Dollorama.
Et encore, j'ai fait le maximum pour minimiser les dégâts. J'ai calculé, pour mes deux enfants, qu'il me serait préférable de les concevoir autour d'octobre-novembre pour accoucher en plein cœur de l’été et ainsi avoir une maudite bonne excuse pour éviter d'inviter leurs amis d'école à venir foutre le bordel chez nous à leur anniversaire.
Et je dis bien chez nous. Parce que réserver une allée au bowling pour devoir m’enfourner des hot-dogs froids et empêcher les enfants des autres de se tirer leurs boules de quilles en pleine face (parce que leurs parents, eux, se sont tirés -- pas cons, les salauds)? Réserver une salle au cinéma pour être obligée de bouffer des nachos mous et me taper Le Gros Albert version doublée à la franchouillarde? Organiser une journée au Jungle Jungle et être prise pour retrouver quelques braillards coincés dans des tunnels en plastique qui donnent des chocs électriques et qui fleurent bon le pipi mariné? No way in hell. Pas d’affaires, Gilbert et niet, Georgette. Tant qu’à souffrir, j’aime autant souffrir chez nous.
(D’autant plus que, dans mon tiroir secret, j’ai précieusement gardé de mon dernier accouchement quelques comprimé d’Atasol-codéine que je conserve pour les cas d’urgence, dont les anniversaires.)
Tout ça pour vous dire que, l’anniversaire de Fille Aînée étant imminent, j’ai dû organiser quelque chose à la maison samedi dernier.
Quelque chose à son goût.
En effet, les enfants grandissant, il devient de plus en plus difficile de faire ce qu’on veut pour les fêter. Les petits coquins commencent à avoir une volonté propre, du genre : «J’aimerais ça inviter Sophie à la maison pour mon anniversaire. Et faire un anniversaire-santé, tu sais, avec des jeux.» Et vlan! On se retrouve à devoir retracer une copine d’école alors que l’école est finie (pas si brillant, finalement, le truc de la conception automnale) et à devoir (frissons d’horreur) organiser des jeux.
«Mais,» aurais-je voulu crier, «mais j’peux pas organiser des jeux, moi! J’sais pas comment! C’est Sœur indigne qui est bonne là-dedans. Sœur indigne, elle, quand elle gardait des enfants, elle arrivait avec un sac plein de jeux! Moi, j’arrivais avec une seule question : «Quand est-ce que je les couche?» Et là, il faudrait que j’organise des jeux? Pour toute une gang???» Tais-toi, Mère indigne. T’as voulu avoir des enfants, alors sois mère et tais-toi.
Alors j’ai organisé.
Pour éviter le pire, j’ai surtout invité la famille et les amis. Pas besoin de faire la converse avec des parents inconnus ou de s'occuper de petits orphelins d'anniversaire. (Sophie, la seule outsider, se demandait où étaient les autres copains de l’école – nevermind, chérie, on va bien s’occuper de toi.) Et pour les jeux, un seul réquisit: on devait faire des équipes de un adulte, un enfant -- pas question que je me tape les mioches à moi toute seule.
Quelques points forts de la journée :
"Oké, les amis. Rejoignez votre coéquipier, on va faire une course dans des sacs. Vous partez d’ici, vous allez jusque là, puis rendu là, vous changez de place avec votre partenaire puis vous revenez à la ligne de départ. Compris? Un, deux, trois, go!!! Pffffrrrt… Ah! Ah! Ah! J’vais prendre une photo… Quoi? La course est finie? Qui a gagné? QUI A GAGNÉ? Personne n’a regardé? Fuck. OK, on recommence. Comment ça, c’est pas juste? J’AI DIT, ON RECOMMENCE!"
***
Moi – Oké, les amis. On va faire une course de brouette. Pour commencer, les enfants vont faire la brouette. Pour revenir à la ligne de départ, les adultes vont prendre leur place.
Ami – T’es folle!
Amie – Comment les enfants vont pouvoir nous porter???
Beauf’ – Chouchoune a juste trois ans!!!
Moi – (Maudit que je suis conne.) Oké, on fait un aller-retour, les enfants font la brouette dans les deux sens. Un, deux, trois… (Maudit que je suis épaisse!!!)
***
Moi – Bon, oké les amis, on va jouer aux ballons d’eau. L’adulte va remplir le ballon et ensuite le but est de se le lancer sans qu’il pète. Le gagnant est l’équipe qui remplit le ballon le plus rapidement et y’a des points bonis pour ceux qui se le lancent le plus longtemps.
Amie – C’est qui qui a pensé à des règles aussi connes!?
Tout le monde établit de nouvelles règles. Le jeu finit dans un free-for-all total parce que tout le monde veut faire péter un ballon d’eau dans la face de tout le monde. Tout le monde s'amuse; tout le monde me tape sur les nerfs. Je donne des points au hasard.
***
Moi – Oké les amis. On va faire une compétition de corde à sauter. L’équipe qui saute le plus de coups gagne.
Ami – C’est pas juste! Les petits ne savent pas sauter à la corde!
Moi – Oké, maximum de 50 coups.
Ami scientifique, en apparté avec moi – Pour que ça soit plus juste, on devrait additionner le nombre de coups des deux coéquipiers et diviser par l’âge de l’enfant. Comme ça, plus l’enfant est jeune, plus ça laisse de chances.
Frère scientifique – Ouais, bonne idée!
Moi, en apparté avec moi-même – Ouain, ça a de l’allure. (Whatever, qu'on en finisse.)
Moi, au public – Oké les amis, dans un souci d’équité, on va additionner le nombre de coups des deux coéquipiers et diviser par l’âge de l’enfant. (Fuck. Je suis encore en train d’avoir l’air conne.)
Amie – C’est qui qui a pensé à des règles aussi connes!?
***
Bref, de beaux moments d’humilité pour Mère indigne qui, la prochaine fois, invitera un clown à la maison pendant qu’elle va faire semblant d’être malade et ira en fait passer la journée au spa.
Parce que Mère indigne, le clown, elle l'a assez fait samedi.
***
Et la palme de l'infantilisme va à…
Fille Aînée a reçu de son parrain la patente de malade, un machin tout terrain énorme qui se contrôle avec une manette.
Les personnes de sexe masculin présentes avaient les yeux qui leur sortaient des orbites; un filet de bave pendait en catimini sur leur menton.
Évidemment, ces messieurs trépignaient d’impatience pendant que les fi-filles essayaient la bébelle.
Finalement, après deux (interminables) minutes, Père indigne s’interposa : «Oké les filles, c’est le tour de Tonton maintenant.»
All right les boys! Vous l’avez, l’affaire!
***
Ah, oui, j’oubliais. Je pensais que je remportais la palme de la carte d’anniversaire weirdo avec mon texte (« Chère Fille Aînée, dans 93 ans, tu auras 100 ans! Bravo! »), mais la fille d’une amie m’a battue à plate couture :
Ça, c’est ce que j’appelle du souhait.