Je l'ai appris chez
Sophie Durocher: des personnes
bien sous tout rapport (elles publient dans le Monde) ont décrété que l'amour ne durerait, en fait, que trois ans. Avant Père indigne, j'aurais juré que ça durait beaucoup moins longtemps, mais aujourd'hui! Stupeur et tremblements, comme disait
l'autre! Car cela voudrait dire que mon homme et moi, ça fait sept ans qu'on croit s'aimer alors que notre jardin de roses s'est transformé depuis longtemps en désert de pics-pics qui piquent!?
Non! Je refuse de le croire.
Je pense plutôt que Père indigne et moi, on a trouvé le moyen de mettre le compteur à zéro trois fois après notre rencontre, parce que ça va faire dix ans qu'on est ensemble dans quelques jours, et j'ai encore l'exquise sensation d'une énorme vague rose-nanane qui m'envahit coeur à la pensée de ce grand escogriffe Belge qui m'a fait découvrir les moules, le tourniquet malgache, le féérique
Atomium et l'expression "
skieve lavabo".
Bon, peut-être en ce moment même songe-t-il à organiser avec Jean-Louis un party de piscine sans femme et sans maillot, mais je n'y peux rien, je l'âiiiime!
Selon l'article du Monde, notre persévéritude serait dûe, à ce qu'il paraît, au fait que nous dialoguons, que nous avons des projets communs et aussi notre petit jardin secret individuel. Voyons voir.
Nous dialoguons, c'est un fait. Nos dialogues les plus importants de la journée surviennent le matin ("Veux-tu prendre ta douche?" "Quoi, je pue?" "Noooon." "OK, d'abord, j'y vais.") et juste avant le dodo ("Qui est-ce qui se lève cette nuit si Bébé se réveille?" "Je me suis levé hier." "C'est ma fête dans deux jours..." "OK, d'abord, j'irai.").
Nous avons aussi des projets partagés. Par exemple, ça fait cinq ans qu'on a comme projet d'avoir une aide pour l'entretien ménager ("femme de ménage", ça fait trop "
femme de ménage", non?). Mais on trouve
toujours quelque chose d'autre à faire avec le 50$ par semaine, alors je crois que nous partagerons ce projet encore bien longtemps. En attendant, on partage les tâches, ce qui est déjà pas mal...
Reste le jardin secret. Là, après dix ans, dur-dur.
Mère indigne -- Qu'est-ce qu'on mange pour dîner? (
Dans mon jardin secret:
You don't know it yet, darling, but on va aller chercher du Harvey's.)
Père indigne -- Ah, ah! J'ai compris. C'est correct pour moi.
Mère indigne -- T'as compris quoi, au juste?
Père indigne -- On va aller chercher du Harvey's. Juste à ton ton de voix, je l'ai su.
Mère indigne --
Busted.
Et puis, juste hier soir, dans mon p'tit jardin secret, je me disais que j'aimerais vraiment ça qu'on aille chercher des sushis pour le souper, mais on y avait été quatre jours auparavant et puis le budget, etc. C'est alors que...
Père indigne -- Je sais qu'on en a mangé il n'y a pas longtemps, mais j'aimerais vraiment ça si on allait encore se chercher des sushis ce soir. Mais y'a le budget et...
Mère indigne --
Busted again! Yeah!
Mais j'y pense, j'en ai un, jardin secret! C'est celui qu'il y a dans la cour en arrière. C'est moi qui prépare, qui plante et qui récolte, sans que Père indigne s'en aperçoive! Mon jardin est même tellement secret que Père indigne s'apprêtait à faire une grosse gaffe, hier:
Père indigne, se penchant pour faire mine d'arracher quelque chose -- Ouf! T'as vu les mauvaises herbes!
Mère indigne -- Heu, de quoi tu parles?
Père indigne -- Ben là, les grosses feuilles qui ont l'air de la rhubarbe.
Mère indigne -- C'est nos zucchinis et nos citrouilles.
Père indigne, qui recule car il sait ce qui est bon pour lui -- Oh.
J'ai un jardin secret, alors inutile de courir les journaux à potins. Père indigne et moi, c'est pour la vie.
Et on va aller fêter ça ce week-end, dans notre
auberge favorite. On va manger comme des gloutons, dormir comme des loirs et savourer la vue de la rivière en prenant l'apéro sur la terrasse avec
Jean-Claude et Matilde. (Jean-Claude, les filles, c'est un Français; le père d'une de mes meilleures copines. Il est beau, hein? Mon auberge préférée, vous dis-je.)
Et puis, Père indigne et moi, on va peut-être même jouer à trouve-mon-jardin-secret-non-pas-là-plus-haut, mais ça, inutile de courir les journaux à potins... Vous ne le saurez pas!