Cryptomanie
Je ne sais pas si vous aviez remarqué, mais les enfants sont naturellement des experts dans le brouillage de pistes. À la question traditionnelle ("Qu'est-ce que tu as fait à l'école?"), 99% des parents se voient chaque jour confrontés à une tout aussi traditionnelle réponse ("Rien!"). Quand au 1% qui reste, il a droit à un bavard "Pas grand-chose".
J'imagine que les enfants, sachant que leurs parents finiront de toute façon par tout savoir, s'évertuent à leur rendre la tâche la plus compliquée possible.
Me considérant passablement finfinaude, je croyais avoir trouvé une voie de contournement pour découvrir ce que Fille Aînée fait à l'école. Au lieu de la question classique, j'y allais d'un: "Quels ont été ton meilleur et ton moins bon moments aujourd'hui à l'école?" Pas moyen d'y couper, hein? Sûrement, Fille Aînée devrait me donner au moins quelques détails sur sa journée?
Au début, cela n'a pas trop mal fonctionné. Mais à maligne, maligne et demie. Se voyant acculée au pied du mur, Fille Aînée a réussi à élever sa technique de cryptage au niveau de l'art. En effet, je me suis aperçue un jour que, pour la 46e journée consécutive, elle répondait systématiquement que son meilleur moment avait été de croiser la fille plus âgée de nos amis dans le couloir de l'école, ou bien de rentrer en bus avec sa meilleure copine (le "ou bien" expliquant que je n'aie allumé qu'au bout d'un mois et demi -- ding ding).
Depuis, j'ai pour ainsi dire jeté la serviette. Chaque jour, je pose toujours la même question, mais Fille Aînée ne se fend même plus d'une vraie réponse. "Je n'ai pas eu de meilleur ou de moins bon moment, toute la journée a été bonne." Pas mal équivalent au "Rien!" du début, vous ne trouvez pas? Mais qu'à cela ne tienne! Morceau par morceau, les parents trouvent quand même toujours le moyen de faire parler leurs bambins...
Tout ça pour vous raconter qu'hier, j'ai dû me mesurer à une véritable conspiration de cryptomanes. Voisine #1 (Audrey) et Voisine #2 (Eugénie) étaient venues jouer à la maison, quand tout à coup Voisine #3 (Véronique) arrive en réclamant Audrey. Je suis à ce moment-là en train de faire manger Bébé, mais cela ne m'empêche pas d'épier la conversation:
Véronique -- Audrey! Viens, on a besoin de toi!
Chuchotements provenant du sous-sol.
Audrey -- J'arrive!
Eugénie -- NON! N'y va paaaas, Audreeeey!
Sachant qu'Eugénie est habituellement du type à cracher dans l'oeil du diable, j'ai immédiatement la puce à l'oreille.
Audrey, Véronique et Fille Aînée -- Ne t'en fais paaaas Eugénie, y'a pas de danger.
Eugénie -- NOOOOON!
Moi -- Tout va bien, les filles?
Les 4 filles en choeur -- Ouiiiiii!
Évidemment.
Audrey part avec Véronique. Je crois vaguement l'entendre demander à sa soeur où se trouve notre balai (???). Ma décision est prise: je donne des fruits à Bébé; les voisins s'arrangeront avec leur progéniture. Mais je n'abandonne pas l'idée de découvrir le fin mot de l'histoire.
Quelques minutes plus tard, Audrey est de retour:
Moi, mine de rien -- Ça va, Audrey?
Audrey, mine de rien -- Oui!
Chuchotements dans le sous-sol.
Bah, me dis-je. Les voisines peuvent bien se taire, je finirai par tirer les vers du nez à Fille Aînée. Ayant été fille unique pendant 6 ans, elle n'a pas développé aussi bien que d'autres la capacité à déjouer l'Inquisition Maternelle. Enfin, c'est ce que je croyais.
En soirée, alors que je donnais le bain à Bébé, Fille Aînée entre dans la salle de bain pour satisfaire une envie pressante. Ça y est! Mon témoin est captif, je peux le questionner à loisir.
Moi -- Pourquoi Audrey devait-elle aller aider Véronique tout à l'heure?
Fille Aînée -- Ah, c'est à cause du vélo qu'on a volé, elle voulait voir à qui c'était.
J'ai tout à coup un pressentiment terrible.
Moi -- Quand tu dis "on a volé un vélo"...
Fille Aînée, horrifiée -- Pas nous!
Malheur! C'est bien ce que je croyais. Fille Aînée est la seule Québécoise à utiliser le "on" correctement, en excluant la personne qui parle.
Fille Aînée poursuit -- C'est un vélo qui avait été volé et les filles l'ont mis là et puis Audrey a fait semblant qu'elle avait un bras cassé mais moi je ne la croyais pas mais là ils voulaient savoir qui viendrait le prendre.
Moi -- Tout cela est limpide. Mais à qui est ce vélo, en fait? Et pourquoi Audrey avait-elle besoin de notre balai?
Fille Aînée, se tortillant et regardant vers la porte -- Ben, je sais pas, pis de toute façon je venais juste ici faire un p'tit caca.
Moi -- J'avais remarqué.
Et Fille Aînée de se sauver en courant, laissant dans son sillage un parfum... de conjectures.
Épuisée par toutes ces dérobades, je n'ai pas cherché à en savoir plus.
Mais depuis hier, je garde le balai dans un endroit connu de moi seule. Toute personne voulant l'emprunter devra se soumettre à un interrogatoire sans pitié.
Dieu aidant, le parent vaincra!
J'imagine que les enfants, sachant que leurs parents finiront de toute façon par tout savoir, s'évertuent à leur rendre la tâche la plus compliquée possible.
Me considérant passablement finfinaude, je croyais avoir trouvé une voie de contournement pour découvrir ce que Fille Aînée fait à l'école. Au lieu de la question classique, j'y allais d'un: "Quels ont été ton meilleur et ton moins bon moments aujourd'hui à l'école?" Pas moyen d'y couper, hein? Sûrement, Fille Aînée devrait me donner au moins quelques détails sur sa journée?
Au début, cela n'a pas trop mal fonctionné. Mais à maligne, maligne et demie. Se voyant acculée au pied du mur, Fille Aînée a réussi à élever sa technique de cryptage au niveau de l'art. En effet, je me suis aperçue un jour que, pour la 46e journée consécutive, elle répondait systématiquement que son meilleur moment avait été de croiser la fille plus âgée de nos amis dans le couloir de l'école, ou bien de rentrer en bus avec sa meilleure copine (le "ou bien" expliquant que je n'aie allumé qu'au bout d'un mois et demi -- ding ding).
Depuis, j'ai pour ainsi dire jeté la serviette. Chaque jour, je pose toujours la même question, mais Fille Aînée ne se fend même plus d'une vraie réponse. "Je n'ai pas eu de meilleur ou de moins bon moment, toute la journée a été bonne." Pas mal équivalent au "Rien!" du début, vous ne trouvez pas? Mais qu'à cela ne tienne! Morceau par morceau, les parents trouvent quand même toujours le moyen de faire parler leurs bambins...
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Tout ça pour vous raconter qu'hier, j'ai dû me mesurer à une véritable conspiration de cryptomanes. Voisine #1 (Audrey) et Voisine #2 (Eugénie) étaient venues jouer à la maison, quand tout à coup Voisine #3 (Véronique) arrive en réclamant Audrey. Je suis à ce moment-là en train de faire manger Bébé, mais cela ne m'empêche pas d'épier la conversation:
Véronique -- Audrey! Viens, on a besoin de toi!
Chuchotements provenant du sous-sol.
Audrey -- J'arrive!
Eugénie -- NON! N'y va paaaas, Audreeeey!
Sachant qu'Eugénie est habituellement du type à cracher dans l'oeil du diable, j'ai immédiatement la puce à l'oreille.
Audrey, Véronique et Fille Aînée -- Ne t'en fais paaaas Eugénie, y'a pas de danger.
Eugénie -- NOOOOON!
Moi -- Tout va bien, les filles?
Les 4 filles en choeur -- Ouiiiiii!
Évidemment.
Audrey part avec Véronique. Je crois vaguement l'entendre demander à sa soeur où se trouve notre balai (???). Ma décision est prise: je donne des fruits à Bébé; les voisins s'arrangeront avec leur progéniture. Mais je n'abandonne pas l'idée de découvrir le fin mot de l'histoire.
Quelques minutes plus tard, Audrey est de retour:
Moi, mine de rien -- Ça va, Audrey?
Audrey, mine de rien -- Oui!
Chuchotements dans le sous-sol.
Bah, me dis-je. Les voisines peuvent bien se taire, je finirai par tirer les vers du nez à Fille Aînée. Ayant été fille unique pendant 6 ans, elle n'a pas développé aussi bien que d'autres la capacité à déjouer l'Inquisition Maternelle. Enfin, c'est ce que je croyais.
En soirée, alors que je donnais le bain à Bébé, Fille Aînée entre dans la salle de bain pour satisfaire une envie pressante. Ça y est! Mon témoin est captif, je peux le questionner à loisir.
Moi -- Pourquoi Audrey devait-elle aller aider Véronique tout à l'heure?
Fille Aînée -- Ah, c'est à cause du vélo qu'on a volé, elle voulait voir à qui c'était.
J'ai tout à coup un pressentiment terrible.
Moi -- Quand tu dis "on a volé un vélo"...
Fille Aînée, horrifiée -- Pas nous!
Malheur! C'est bien ce que je croyais. Fille Aînée est la seule Québécoise à utiliser le "on" correctement, en excluant la personne qui parle.
Fille Aînée poursuit -- C'est un vélo qui avait été volé et les filles l'ont mis là et puis Audrey a fait semblant qu'elle avait un bras cassé mais moi je ne la croyais pas mais là ils voulaient savoir qui viendrait le prendre.
Moi -- Tout cela est limpide. Mais à qui est ce vélo, en fait? Et pourquoi Audrey avait-elle besoin de notre balai?
Fille Aînée, se tortillant et regardant vers la porte -- Ben, je sais pas, pis de toute façon je venais juste ici faire un p'tit caca.
Moi -- J'avais remarqué.
Et Fille Aînée de se sauver en courant, laissant dans son sillage un parfum... de conjectures.
Épuisée par toutes ces dérobades, je n'ai pas cherché à en savoir plus.
Mais depuis hier, je garde le balai dans un endroit connu de moi seule. Toute personne voulant l'emprunter devra se soumettre à un interrogatoire sans pitié.
Dieu aidant, le parent vaincra!
2 expertise(s)
Mmm...Mystérieux... Notre imagination est peut-être bien pire que la réalité en elle-même!
Maudits codes d'éthiques! Sans eux, les enfants n'auraient vraiment aucune chance.
Et un blogue sous l'angle professoral n'aurait rien du plagiat... En fait, ce serait peut-être un moyen de le contourner, ce code?
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